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Page:Petitot - Collection complète des mémoires relatifs à l’histoire de France, 2e série, tome 44.djvu/241

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DU CARDINAL DE RETZ. [1648]

Cette petite réflexion, jointe à ce que vous avez vu ci-devant des délibérations du parlement, vous marque suffisamment la confusion où étoient les choses quand les barricades se firent, et l’erreur de ceux qui prétendent qu’il ne faut point craindre de parti quand il n’y a point de chefs. Ils naissent quelquefois dans une nuit. L’agitation que je viens de vous représenter si violente et de si longue durée n’en produisit point dans le cours d’une année entière, et un moment en fit éclore même beaucoup davantage qu’il n’eût été nécessaire pour le parti.

Comme les barricades furent levées, j’allai chez madame de Guémené, qui me dit qu’elle savoit de science certaine que le cardinal croyoit que j’en avois été l’auteur. La Reine m’envoya quérir le lendemain au matin : elle me traita avec toutes les marques possibles de bonté et même de confiance. Elle me dit que si elle m’avoit cru, elle ne seroit pas tombée dans l’inconvénient où elle étoit ; qu’il n’avoit pas tenu au pauvre cardinal de l’éviter ; qu’il lui avoit toujours dit qu’il s’en falloit rapporter à mon jugement ; que Chavigny étoit l’unique cause de ce malheur par ses pernicieux conseils, auxquels elle avoit plus déféré qu’à ceux de M. le cardinal. « Mais, mon Dieu, ajouta-t-elle tout d’un coup, ne ferez-vous pas donner des coups de bâton à ce coquin de Bautru, qui vous a tant manqué de respect ? Je vis l’heure, avant-hier au soir, que le pauvre M. le cardinal lui en feroit donner. » Je reçus tout cela avec un peu moins de sincérité que de respect. Elle me commanda ensuite d’aller voir le pauvre M. le cardinal, et pour le consoler, et pour aviser avec lui de ce qu’il y auroit à faire pour ramener les esprits.