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Page:Petitot - Collection complète des mémoires relatifs à l’histoire de France, 2e série, tome 44.djvu/244

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[1648] MÉMOIRES

prince, que l’on attendoit de semaine en semaine, pourroit fixer celui du public, et la sûreté des particuliers.

L’impétuosité du parlement rompit mes mesures : car aussitôt qu’il eut achevé de faire le règlement pour le paiement des rentes de l’Hôtel de ville, et des remontrances pour la décharge du quart entier des tailles, et du prêt à tous les officiers subalternes, il demanda, sous prétexte de la nécessité qu’il y avoit de travailler au tarif, la continuation de ses assemblées, même dans le temps des vacations ; et la Reine la lui accorda pour quinze jours, parce qu’elle fut très-bien avertie qu’il l’ordonneroit de lui-même si on la lui refusoit. Je fis tous mes efforts pour empêcher ce coup, et j’avois persuadé Longueil et Broussel ; mais Novion, Blancménil et Viole, chez qui nous nous étions trouvés à onze heures du soir, dirent que la compagnie tiendroit pour des traîtres ceux qui lui feroient cette proposition ; et comme j’insistois, Novion entra en soupçon que je ne fusse moi-même de concert avec la cour. Je ne fis aucun semblant de l’avoir remarqué, mais je me ressouvins du prédicant de Genève, qui soupçonna l’amiral de Coligny[1], chef du parti huguenot, de s’être confessé à un cordelier de Niort. Je le dis en riant, au sortir de la conférence, au président Le Coigneux, père de celui que vous voyez aujourd’hui. Cet homme, qui étoit fou, mais qui avoit beaucoup d’esprit, et qui, ayant été en Flandre ministre de Monsieur, avoit plus de connoissance du monde que les autres, me répondit : « Vous ne connoissez pas nos gens : vous en verrez bien

  1. Gaspard de Coligny, deuxième du nom, massacré le jour de la Saint-Barthelemy de l’an 1572, dans sa maison. (A. E.)