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Page:Petitot - Collection complète des mémoires relatifs à l’histoire de France, 2e série, tome 44.djvu/254

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[1648] MÉMOIRES

ordonna des remontrances par écrit, manda le prévôt des marchands pour pourvoir à la sûreté de la ville, commanda à tous les gouverneurs de laisser tous les passages libres, et que le lendemain, toute affaire cessante, on délibéreroit sur la proposition de 1617. Je fis l’impossible toute la nuit pour rompre ce coup, parce que j’avois lieu de craindre qu’il ne précipitât les choses au point d’engager M. le prince malgré lui-même dans les intérêts de la cour. Longueil courut de son côté pour le même effet ; Broussel lui promit d’ouvrir l’avis modéré : les autres ou m’en assurèrent ou me le firent espérer. Ce ne fut plus cela le lendemain : ils s’échauffèrent les uns les autres avant que de s’asseoir. Le maudit esprit de classe dont je vous ai déjà parlé les saisit ; et ces mêmes gens qui deux jours auparavant trembloient de frayeur, et que j’avois eu tant de peine à rassurer, passèrent tout d’un coup, et sans savoir pourquoi, à l’aveugle fureur ; et telle, qu’ils ne firent pas seulement réflexion que le général de cette même armée, dont le nom seul leur avoit fait peur, et qu’ils devoient plus appréhender que son armée, parce qu’ils avoient sujet de le croire malintentionné pour eux, comme ayant toujours été très-attaché à la cour ; ils ne firent pas seulement, dis-je, réflexion que ce général venoit d’y arriver : et ils donnèrent cet arrêt que je vous ai marqué ci-dessus, qui obligea la Reine de faire sortir de Paris M. d’Anjou[1], tout rouge encore de sa petite vérole, et madame la duchesse d’Orléans même, malade, et qui eût commencé la guerre civile dès le lendemain, si

  1. Philippe de France, frère unique du roi Louis XIV, depuis depuis duc d’Orléans ; mort subitement à Saint-Cloud en 1701. (A. E.)