Aller au contenu

Page:Petitot - Collection complète des mémoires relatifs à l’histoire de France, 2e série, tome 44.djvu/261

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
259
DU CARDINAL DE RETZ. [1648]

fort, et dans laquelle je donnerois d’autant plus facilement, que le prince de Guémené, à qui cet emploi n’étoit propre, en ayant la survivance et devant par conséquent toucher une partie du prix, les intérêts de la princesse, que l’on savoit ne m’être pas indifferens, s’y trouveroient. Si j’eusse eu du bon sens, je n’aurois pas seulement écouté une proposition de cette nature, laquelle m’eût jeté, si elle eût réussi, dans la nécessité de me servir de la qualité de gouverneur de Paris contre l’intérêt de la cour : ce qui n’eût pas été assurément de la bienséance ; ou de préférer les devoirs d’un gouverneur à ceui d’un archevêque : ce qui étoit réellement contre mon intérêt et contre ma réputation. Voilà ce que j’eusse prévu, si j’eusse eu du bon sens : mais si j’en eusse eu un grain en cette occasion, je n’aurois pas au moins fait voir que j’avois de la pente à en recevoir l’ouverture, que je n’y eusse vu moi-même plus de jour. Je m’éblouis d’abord à la vue du bâton, qui me parut devoir être d’une figure plus agréable quand il seroit croisé avec la crosse. Le cardinal ayant fait son effet, qui étoit de m’entamer dans le public sur l’intérêt particulier, sur lequel il n’avoit pu jusque là prendre sur moi le moindre avantage, rompit l’affaite par le moyen des difficultés que le maréchal d’Estrées, de concert avec lui, y fit naître. Je fis à ce même moment une seconde faute presque aussi grande que la première : car au lieu d’en profiter, comme je pouvois, en deux ou trois manières, je m’emportai, et je dis tout ce que la rage me fit dire contre le ministre à Brancas[1], neveu

  1. Charles, comte de Brancas, chevalier d’honneur de la Reine ; mort à Paris en 1681. (A. E.)