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Page:Petitot - Collection complète des mémoires relatifs à l’histoire de France, 2e série, tome 44.djvu/274

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[1649] MÉMOIRES

Vous voyez, par le peu d’arrangement de ce discours, qu’il fut fait sans méditation et sur-le-champ. Je le dictai à Laigues, étant revenu chez moi de chez M. le prince ; et Laigues me le fit voir à mon dernier voyage de Paris. Il ne persuada pas M. le prince, qui étoit déjà préoccupé ; il ne répondit à mes raisons particulières que par les générales : ce qui est assez de son caractère. Les héros ont leurs défauts ; celui de M. le prince est de n’avoir pas assez de suite dans l’un des plus beaux esprits du monde. Ceux qui ont voulu croire qu’il avoit tâché dans le commencement d’aigrir les affaires par Longueil, par Broussel et par moi, pour se rendre plus nécessaire à la cour, et dans la vue de faire pour le cardinal ce qu’il fit depuis, font autant d’injustice et à sa vertu et à la vérité, qu’ils prétendent faire d’honneur à son habileté. Ceux qui croient que les petits intérêts, c’est-à-dire les intérêts de pension, de gouvernement, d’établissement, furent l’unique cause de son changement, ne se trompent guère moins. La vue d’être l’arbitre du cabinet y entra assurément, mais elle ne l’eût pas emporté sur les autres considérations ; et le véritable principe fut qu’ayant tout vu d’abord également, il ne sentit pas tout également. La gloire de restaurateur du public fut sa première idée : celle de conservateur de l’autorité royale fut la seconde. Voilà le caractère de tous ceux qui ont dans l’esprit le défaut que je vous ai marqué ci-dessus. Quoiqu’ils voient très-bien les inconvéniens et les avantages des deux partis sur lesquels ils balancent à prendre leurs résolutions, et quoiqu’ils les voient même ensemble, ils ne les pèsent pas ensemble : ainsi ce qui