Aller au contenu

Page:Petitot - Collection complète des mémoires relatifs à l’histoire de France, 2e série, tome 44.djvu/285

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
283
DU CARDINAL DE RETZ. [1649]

l’appris à cinq heures du matin par l’argentier de la Reine, qui me fit éveiller, et qui me donna une lettre écrite de sa main, par laquelle elle me commandoit, en des termes fort honnêtes, de me rendre dans le jour à Saint-Germain. L’argentier ajouta de bouche que le Roi venoit de monter en carrosse pour y aller, et que toute l’armée étoit commandée pour s’avancer. Je lui répondis simplement que je ne manquerois pas d’obéir. Vous me faites bien la justice d’être persuadée que je n’en eus pas la pensée.

Blancménil entra dans ma chambre, pâle comme un mort. Il me dit que le Roi marchoit au Palais avec huit mille chevaux. Je l’assurai qu’il étoit sorti de la ville avec deux cents. Voilà la moindre des impertinences qui me furent dites depuis les cinq heures du matin jusqu’à dix. J’eus toujours une procession de gens effarés qui se croyoient perdus ; mais j’y prenois bien plus de divertissement que d’inquiétude, parce que j’étois averti de moment à autre, par les officiers de la colonelle qui étoient à moi, que le premier mouvement du peuple à la première nouvelle n’avoit été que de fureur, à laquelle la peur ne succède jamais que par degrés ; et je croyois avoir de quoi couper, avant qu’il fût nuit, ces degrés. Car, quoique M. le prince, qui se défioit de monsieur son frère, l’eût été prendre dans son lit, et l’eût emmené avec lui à Saint-Germain, je ne doutois point, madame de Longueville étant demeurée à Paris, que nous ne le revissions bientôt ; et d’autant plus que je savois que M. le prince, qui ne le craignoit ni ne l’estimoit, ne pousseroit pas sa défiance jusqu’à l’arrêter. J’avois de plus reçu la veille une lettre de M. de Longueville,