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Page:Petitot - Collection complète des mémoires relatifs à l’histoire de France, 2e série, tome 44.djvu/323

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DU CARDINAL DE RETZ. [1649]

le Louvre, et sous les yeux d’une cour de France. Nous avons horreur, en lisant les histoires, de lâchetés moins monstrueuses que celle-là ; et le peu de sentiment que je trouvai dans la plupart des esprits sur ce fait m’a obligé de faire, je crois, plus de mille fois cette réflexion, que les exemples du passé touchent sans comparaison plus les hommes que ceux de leur siècle. Nous nous accoutumons à tout ce que nous voyons ; et je vous ai dit quelquefois que je ne sais si le consulat du cheval de Caligula nous auroit autant surpris que nous nous l’imaginons.

Le parti ayant pris sa forme, il ne manquoit plus que l’établissement du cartel, qui se fit sans négociation. Un cornette de mon régiment[1] ayant été pris prisonnier par un parti de celui de La Villette, fut mené à Saint-Germain, et la Reine commanda sur l’heure que l’on lui tranchât la tête. Le grand prévôt, qui ne douta point de la conséquence, et qui étoit assez de mes amis, m’en avertit, et j’envoyai en même temps un trompette à Palluau, qui commandoit dans le quartier de Sèvres, avec une lettre très-ecclésiastique, mais qui faisoit entendre les inconvéniens de la suite, d’autant plus proches que nous avions aussi des prisonniers, et entre autres M. d’Olonne[2], qui avoit été arrêté comme il vouloit se sauver habillé en laquais.

Palluau alla sur l’heure à Saint-Germain, où il représenta les conséquences de cette exécution. On obtint de la Reine à toute peine qu’elle fût différée

  1. De mon régiment : Il s’appeloit régiment de Corinthe, du nom de l’evêché in partibus dont le coadjuteur étoit titulaire.
  2. Louis de La Trémouille, marquis de Royan, comte d’Olonne, mort on 1686 (A. E.)