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Page:Petitot - Collection complète des mémoires relatifs à l’histoire de France, 2e série, tome 44.djvu/342

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[1649] MÉMOIRES

avance et sans en attendre la réponse, tout ce que nous lui ordonnerions. Il usa de ces termes, et il avoit raison : car j’ai su depuis que son ordre portoit de suivre en tout et partout, sans exception, les sentimens de M. et de madame de Bouillon.

Voilà où nous en étions, quand M. d’Elbœuf nous montra, comme une grande nouveauté, le billet que le comte de Fuensaldagne lui avoit écrit ; et vous jugez que je ne balançai pas à opiner qu’il falloit que l’envoyé présentât la lettre de l’archiduc au parlement. La proposition en fut reçue d’abord comme une hérésie ; et, sans exagération, elle fut un peu moins que sifflée par toute la compagnie. Je persistai dans mon avis : j’en alléguai les raisons, qui ne persuadèrent personne. Le vieux président Le Coigneux, qui avoit l’esprit le plus vif, et qui prit garde que je parlois de temps en temps d’une lettre de l’archiduc, de laquelle il ne s’étoit rien dit, revint tout d’un coup à mon avis, sans m’en dire toutefois la véritable raison, qui étoit qu’il ne doutoit point que je n’eusse vu le dessous de quelque carte, qui m’eût obligé à prendre cet avis. Comme la conversation se passoit avec assez de confusion, et que l’on alloit tout debout disputant les uns aux autres, il me dit : « Que ne parlez-vous à vos amis ? L’on feroit ce que vous voudriez. Je vois bien que vous savez plus de nouvelles que celui qui croit vous les avoir apprises. » Je fus, pour dire le vrai, terriblement honteux de ma bêtise : car je vis bien qu’il ne me pouvoit parler ainsi que sur ce que j’avois dit de la lettre de l’archiduc au parlement, qui dans le vrai n étoit qu’un blanc-signé que nous avions rempli chez M. de Bouillon. Je serrai la main