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Page:Petitot - Collection complète des mémoires relatifs à l’histoire de France, 2e série, tome 46.djvu/488

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souhaiter avec passion de ne devoir qu’à soi-même les belles actions que l’on veut faire, le portoient à chercher dans ses propres forces des moyens qui eussent quelque proportion à de si grandes pensées : et peut-être que ces divers mouvemens eussent plus longtemps agité son esprit, et tiré quelque temps les choses en longueur, s’il n’eût eu à tous momens de nouveaux et de justes sujets d’indignation contre l’orgueil extraordinaire de Jeannetin Doria, qui, portant son insolence jusqu’à mépriser généralement tout le monde, traita le comté de Fiesque depuis son retour, avec des façons si hautaines, qu’il ne put s’empêcher de prendre feu ouvertement, et de témoigner qu’il ne consentoit pas à la servitude honteuse de tous ses concitoyens.

Les politiques ont repris cette conduite de peu de jugement, suivant en ceci la règle générale qui veut que l’on ne fasse jamais la moindre démonstration de colère contre ceux que l’on hait, que dans le moment que l’on porte le coup pour les abattre. Mais s’il a manqué de prudence dans cette occasion, il faut avouer que c’est une faute ordinaire aux grands courages, que le mépris irrite trop violemment pour leur donner le temps de consulter leur raison, et de se rendre maîtres d’eux-mêmes. Cette faute a servi du moins à le mettre à couvert du blâme que quelques historiens lui ont voulu donner, en disant qu’il avoit l’esprit naturellement couvert et dissimulé ; qu’il étoit plus intéressé qu’ambitieux, et plus amoureux de la fortune que de la gloire. Cette chaleur, dis-je que l’on a remarquée dans son procédé fait voir qu’il ne.s’est porté à cette entreprise que par une émulation d’honneur et une ambition généreuse, puisque tous ceux qui se sont engagés dans de semblables desseins par un esprit de tyrannie, et des intérêts qui ne vont point à la grande réputation, ont commencé par une patience toujours soumise et des abaissemens honteux.

Il est certain que l’insolence de Jeannetin Doria alloit jusqu’à un excès insupportable, et qu’il suivoit en toutes choses cette méchante maxime qui dit que les rudesses et la fierté sont les plus sùrs moyens pour régner, et qu’il est inutile de ménager par la douceur ceux que l’on peut retenir dans leur devoir par la crainte et par l’intérêt. Cette conduite augmenta de telle force l’aversion