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Page:Petitot - Collection complète des mémoires relatifs à l’histoire de France, 2e série, tome 46.djvu/493

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Pompée, la réputation que leurs démêlés lui donnèrent occasion d’acquérir le profit qu’il tira des divisions de ses concitoyens, ont été les véritables fondemens de sa puissance ; et cependant il semble que vous ayez dessein d’ajouter à l’établissement de la maison de Doria le seul avantage qui lui manquoit ; et que, à cause que son bonheur lui a trop peu coûté jusqu’ici pour être bien assuré, vous ayez impatience de l’affermir par des efforts qui, étant trop foibles pour le renverser, ne serviront qu’à justifier ses entreprises, et à mieux établir son autorité. Mais je donne, si vous voulez, à vos sentimens, que vous ayez heureusement exécuté toutes vos pensées : imaginez-vous la maison de Doria massacrée, toute la noblesse qui suit ses intérêts dans les fers ; représentez-vous tous vos ennemis abattus, l’Espagne et l’Empire dans l’impuissance ; flattez-vous de triompher déjà dans cette désolation, si vous pouvez trouver quelque douceur dans ces images funestes de la ruine de la république. Que ferez-vous au milieu d’une ville désolée, qui vous regardera comme un nouveau tyran plutôt que comme son libérateur ? Où trouverez-vous des fondemens solides qui puissent appuyer votre nouvelle grandeur ? Pourrez-vous prendre de la confiance dans les bizarreries d’un peuple, lequel, dès l’heure même qu’il vous aura mis la couronne sur la tête, si vous en avez la pensée, concevra peut-être de l’horreur pour vous, et ne songera plus qu’aux moyens de vous l’ôter ? Car, comme je vous l’ai déjà dit, il ne sauroit jouir de la liberté, ni souffrir long-temps un même maître. Ou, si vous remettez Gênes sous la domination des étrangers, si elle leur ouvre encore les portes par votre moyen, au premier mauvais traitement qu’elle recevra d’eux elle vous considérera comme le destructeur de son pays, et comme le parricide du peuple. Ne craignez-vous point que ceux qui sont maintenant les plus échauffés à votre service ne soient peut-être les premiers à travailler à votre perte par le dépit de vous être soumis ? Et quand même cette considération ne les y porteroit pas, vous ne pouvez ignorer que ceux qui servent un rebelle croient l’obliger si fortement, que n’en pouvant jamais être récompensés selon leur gré, ils deviennent presque toujours ses ennemis. Comme