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Page:Pichot - Monsieur de l'Etincelle, ou Arles et Paris, t. I, Gosselin, 1837.djvu/98

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demi échoué dans le sable, un navire génois revenant de la foire. Par précaution, le capitaine avait jugé à propos de faire transporter à terre la caisse qui contenait le prix de la vente de sa cargaison. L’équipage ne consistait qu’en quatre hommes qui avaient dressé avec leurs voiles une tente où ils dormaient tous, la tête appuyée sur leur trésor. Je les avais aidés moi-même le matin à construire ce frêle abri. Était-ce le hasard ou un démon qui me ramenait là ? Tout-à-coup une tentation affreuse s’empara de moi. « Voilà, me dis-je, des étrangers bien imprudents ; leur vie n’appartiendrait-elle pas, et tout leur or aussi, au premier brave assez sûr de son bras pour les poignarder l’un après l’autre ?… » Et pendant que je parlais ainsi ma main avait saisi machinalement un large couteau avec lequel j’avais la veille éventré un chien enragé. Tu frémis, mon fils ; rassure-toi. Je frémis comme toi à cette idée : mes genoux fléchirent, une sueur froide ruissela de tous mes membres ; je jetai mon couteau dans le Rhône, et m’éloignai au plus vite, mais en maudissant ma misère