Aller au contenu

Page:Pichot - Monsieur de l'Etincelle, ou Arles et Paris, t. II, Gosselin, 1837.djvu/430

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

n’a pas choisi un brillant danseur dans ma personne : non, mais un homme qui aime la danse avec un héroïque désintéressement, et qui conduira sa femme au bal tant qu’elle voudra : — telles sont nos conditions. Ne croyez pas que ce soit là tout mon mérite aux yeux de miss Olivia Dashing : elle a daigné me proclamer un mari original, et elle est aussi forte que lord Suffolk pour rechercher les choses et les personnes excentriques. Miss Livy, car elle me permet l’abréviation familière de son nom ; miss Livy avait déjà refusé deux prétendants à sa main, l’un parce que c’est un lord réformiste, et qu’elle trouve par trop commun d’être à la fois lord et ennemi des priviléges ; l’autre, parce que c’est le fils d’un whig de la cité, qui ne jure que par l’aristocratie, autre espèce d’originalité qui commence à s’user à Londres comme à Paris. J’ai donc eu l’honneur, moi Français, de lui paraître plus original que tous les Anglais qui ont mis à ses pieds leurs bizarreries depuis quatre ans qu’elle est orpheline et maîtresse de sa personne. Ce n’est pas une enfant que j’ai séduite, vous le voyez, mais une miss majeure, pouvant comparer et choisir avant de se donner avec ses cinquante mille livres de rente… Cinquante mille livres tournois seulement… mon cher ami, car dans mes calculs j’ai déjà réduit en monnaie française sa dot sterling. C’est peu de chose en Angleterre, mais ce sera suffisant en France pour réparer le château normand de mon père. Miss Livy tient à y faire la dame châtelaine, et sa cousine, lady Thompson, n’ayant épousé qu’un baronnet il y a deux ans, elle veut lui prouver qu’avec un peu de patience elle n’a rien perdu pour attendre… c’était une lutte d’amour-propre entre les deux cousines.