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Page:Pierron - Histoire de la littérature grecque, 1875.djvu/107

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HÉSIODE.

depuis l’âge d’or, et comment la boîte de Pandore a versé sur le monde tous les maux dont les dieux l’avaient remplie. Il peint de sombres couleurs ce qu’il appelle le cinquième âge, cet âge de fer où il lui faut vivre, avec le regret impuissant d’un passé qui fut meilleur, et le pressentiment d’un avenir qui vaudra mieux aussi, mais qu’il ne verra pas. Il reproche aux rois leur violence, tout en recommandant aux faibles la patience et la résignation : « Voici ce que dit l’épervier au rossignol à la voix harmonieuse. Il l’avait pris dans ses serres, et l’emportait bien haut à travers les nues. Le rossignol, transpercé par les ongles recourbés de l’épervier, poussait de plaintifs gémissements. Mais l’autre lui dit avec dureté : « Mon ami, pourquoi crier ? Tu es au pouvoir de bien plus fort que toi ; tu vas où je t’emmène, tout chanteur que tu es ; je me ferai de toi s’il me plaît un repas, ou bien je te lâcherai. » Insensé celui qui veut lutter contre plus puissant que soit. ! Il est privé de la victoire, et la souffrance s’ajoute pour lui à la honte[1]. »

Hésiode ne se borne point à donner aux faibles les conseils de la prudence : il décrit à grands traits le bonheur qui s’attache toujours à l’accomplissement du devoir, les malheurs que l’injustice entraîne après elle. Il montre la providence des dieux dispensant à chacun, suivant ses mérites, les biens et les maux : « Souvent même, dit-il, une ville tout entière est punie à cause d’un seul méchant, qui manque à la vertu et machine de criminels projets. Du haut du ciel, le fils de Saturne lance sur eux un double fléau, la peste et la famine ; et les peuples périssant. Les femmes n’enfantent plus, et les familles vont décroissant par la volonté de Jupiter, maître de l’Olympe. Quelquefois aussi le fils de Saturne ou détruit leur vaste armée, ou renverse leurs murailles, ou se venge sur leurs navires, qu’il engloutit dans la mer[2]. » Le poëte rappelle à ceux qui se flatteraient de pouvoir échapper au châtiment, que trente mille génies, ministres de Jupiter, ont les yeux ouverts sur les actions des

  1. Œuvres et Jours, vers 201 et suivants.
  2. Ibid., vers 238 et suivants.