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CHAPITRE V.

dustrieux mortels[1]. » C’est dans un but tout pratique et moral qu’Hésiode contait à son frère cette vieille légende. Les conseils qu’il donne à Persès en plus d’un endroit montrent assez le sens qu’il y attache. Il lui recommande de se défier des manèges de ces femmes qui en veulent plus à sa fortune qu’à son cœur. Il le met en garde contre ce qu’on appelle encore aujourd’hui de bons mariages ; il lui dit de n’épouser que dans une famille voisine et connue : « Examine attentivement avant de choisir, afin que ton mariage ne fasse pas de toi la risée de tes voisins. S’il n’est pas pour l’homme d’acquisition meilleure que celle d’une vertueuse épouse, il n’est pas de pire calamité non plus qu’une femme vicieuse… Sans torche elle consume son époux, et le livre à la vieillesse cruelle[2]. »

Il n’est pas bien étonnant que le mythe de Pandore figure aussi dans la Théogonie, où sa place était naturellement marquée. Mais un seul homme a pu ajouter à la légende l’affabulation un peu brutale qui la suit ; et cet homme, c’est Hésiode, c’est le poëte qu’on vient d’entendre : « C’est de Pandore qu’est née la race des femmes au sein fécond. Oui, cette race funeste vient d’elle ; les femmes, fléau cruel qui habite parmi les hommes ; les femmes, qui s’associent non à la pauvreté, mais à l’opulence. De même que quand les abeilles, dans leurs ruches couronnées de toits, nourrissent des frelons qui ne savent que s’employer au mal : tout le jour, jusqu’au coucher du soleil, elles travaillent activement à former des blancs rayons de miel ; eux, au contraire, ils ne bougent de l’intérieur des ruches couronnées de toits, engloutissant dans leur ventre le travail d’autrui : de même Jupiter qui tonne dans les airs a imposé aux mortels le fléau des femmes… Celui qui, fuyant le mariage et l’importune société des femmes, refuse de prendre une épouse et parvient jusqu’à la fatale vieillesse, cet homme vit privé des soins nécessaires, et, quand il est mort, des collatéraux se partagent ses biens. Celui qui subit la destinée du mariage,

  1. Œuvres et Jours, vers 70 et suivants
  2. Ibid., vers 699 et suivants.