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Page:Pierron - Histoire de la littérature grecque, 1875.djvu/179

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LYRIQUES ÉOLIENS.

« Couronnée de violettes, chaste et doucement souriante Sappho. » Il lui déclare son amour avec tout l’embarras d’un cœur vivement épris : « Je veux dire quelque chose, mais la honte me retient. » Horace a imité aussi plus d’une fois, mais en les amollissant peut-être, les chansons amoureuses d’Alcée. C’est Alcée, dit-il lui-même, qu’il se propose sans cesse pour modèle ; c’est le poète « qui, au milieu des armes, ou quand il venait d’amarrer au rivage humide son navire battu des flots, chantait Bacchus, et les Muses, et Vénus, et l’enfant toujours présent aux côtés de Vénus[1]. »

Les poésies religieuses d’Alcée, ses hymnes aux dieux, ne devaient pas différer beaucoup, pour le fond des pensées, de ce qu’on trouve dans les vieilles poésies ioniennes inspirées du souffle d’Homère. Mais si Alcée se conformait, comme les poëtes qui l’avaient précédé, aux traditions consacrées, aux formules ordinaires, aux épithètes reçues, il chantait du moins d’une façon nouvelle, car il ne s’adressait aux dieux ni dans le mètre héroïque, ni dans les rythmes de Tyrtée et de Solon. Il est probable enfin que ces hymnes n’affectaient guère la forme narrative, et qu’ils se distinguaient des hymnes anciens par un ton plus vif et plus animé.

Horace a célébré le plectre d’or d’Alcée, c’est-à-dire la beauté de son style. Quintilien dit que l’orateur peut puiser, dans la lecture d’Alcée, d’heureuses ressources pour l’expression des idées morales. Il compare le style d’Alcée à celui d’Homère. Nous pouvons constater par nous-mêmes que Quintilien n’a pas tort de vanter la précision, la magnificence et l’énergie de la diction du poëte lesbien ; mais ce qui nous reste d’Alcée ne rappelle guère l’Iliade. Le commentaire de la comparaison de Quintilien, dans Anacharsis, n’est lui-même qu’une vague et imparfaite image. Ce n’est rien dire que de nous affirmer qu’Alcée s’élève presque à la hauteur d’Homère, lorsqu’il s’agit de décrire les combats et d’épouvanter un tyran. Barthélemy a eu tort aussi de faire des réserves à propos de ce qu’il nomme les défauts du dialecte de Lesbos. Alcée n’avait rien à se faire pardonner pour

  1. Carmina, livre I, ode XXIII.