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Page:Pierron - Histoire de la littérature grecque, 1875.djvu/185

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LYRIQUES ÉOLIENS.

des épithalames de Sappho, et ces vers comptent parmi les plus beaux qui nous restent d’elle. C’est là qu’on trouve les plus aimables images, les plus gracieuses comparaisons que la contemplation de la nature ait inspirées à la muse antique. Voici comment Sappho caractérise la fraîcheur de la jeunesse et de la beauté : « Comme la douce pomme rougit sur la haute branche, au sommet de la branche la plus haute : les cueilleurs l’ont oubliée ; non, ils ne l’ont pas oubliée, mais ils n’ont pu y atteindre. » La femme qui a un époux pour la protéger, c’est, selon Sappho, la fleur qui s’épanouit dans un jardin, et qui n’a rien à craindre des outrages du passant. Celle qui est abandonnée à elle-même, Sappho la compare à ces fleurs des champs dont nul ne prend souci. « Telle l’hyacinthe, que les bergers foulent aux pieds dans les montagnes : la fleur empourprée est gisante sur la terre. » Je pourrais multiplier les exemples.

L’étude seule des faibles reliques du génie de Sappho, et indépendamment de tous les témoignages, suffirait donc pour justifier l’enthousiasme qu’inspira aux Grecs, dès le premier jour, cette femme extraordinaire. Aussi n’ai-je pas de peine à comprendre le mot de Solon, cité par Stobée. Solon, entendant un de ses neveux qui récitait un poëme de Sappho, s’écria : « Je ne serais pas content si je mourais avant de savoir ce morceau par cœur. »


Érinna.


Sappho nous a conservé les noms de quelques-unes de ses rivales en poésie. D’autres auteurs ont cité d’autres noms de femmes lesbiennes qui s’étaient aussi exercées, avec plus ou moins de succès, aux travaux littéraires. La seule qui semble avoir joui, dans la postérité, d’une célébrité véritable, c’est Érinna, morte à dix-huit ans, une de ces jeunes filles qui avaient reçu les leçons de Sappho. Érinna avait laissé un poëme de trois cents vers hexamètres, intitulé la Quenouille, dont on ne sait autre chose sinon qu’il passait pour une œuvre très-distinguée, et que plusieurs n’hésitaient pas à lui marquer sa place à côté même des épopées d’Homère. Faisons