Aller au contenu

Page:Pierron - Histoire de la littérature grecque, 1875.djvu/208

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
196
CHAPITRE XII.

fixer dans la mémoire des contemporains le nom proclamé par le héraut. Mais quand on eut commencé à élever des statues à ces vainqueurs, il fallut bien que la poésie à son tour leur prodiguât toutes ses magnificences. Le chœur de Stésichore, avec ses marches savantes et son appareil pompeux, se prêta à la célébration de ces fêtes, dont un simple mortel était l’objet soit sur le lieu même de la lutte, soit à son retour au foyer domestique. Ce que durent être les chants de victoire composés par Simonide, il ne serait pas aisé de le dire : je ne crois pas pourtant qu’ils ressemblassent autrement que par l’extérieur à ceux de Pindare. Simonide traitait ses héros avec moins de parcimonie que le poëte thébain ; il décrivait la lutte en détail, et il ne se lançait pas du premier bond dans les sphères éthérées. Il n’oubliait pas même les animaux dont la vigueur avait si bien servi l’ambition de leur maître, pas même ces mules qui avaient traîné le chariot de Léophron, fils du tyran Anaxilas. S’il mêlait aux louanges de son héros celles des personnages mythologiques, ce n’étaient jamais des hors-d’œuvre, ni même des digressions. Il se permettait quelquefois une plaisanterie, un innocent jeu de mots.

Voilà ce qu’il est permis de conjecturer, après un attentif examen des fragments de ses chants de victoire. Mais ce qu’on peut assurer avec confiance, c’est que le moraliste, le philosophe, se montrait à chaque pas, et développait complaisamment quelquefois ses opinions particulières. Le plus considérable reste de la poésie de Simonide, retiré avec grand effort de la prose du Protagoras de Platon, où il était enseveli, est une sorte de dissertation morale, sur laquelle Platon s’est complu à broder un ingénieux et agréable commentaire ; et ce morceau faisait partie d’un chant de victoire adressé à Scopas le Thessalien : « Il est difficile, sans doute, de devenir véritablement homme de bien, carré des mains, des pieds et de l’esprit, façonné sans nul reproche… Je n’approuve pas non plus le mot de Pittacus, quoique prononcé par un sage mortel. Il est malaisé, dit Pittacus, d’être vertueux. Dieu seul peut posséder ce privilége : quant à