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Page:Pierron - Histoire de la littérature grecque, 1875.djvu/258

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CHAPITRE XVI.

encore. Il y a, dans ses ouvrages, une partie tout humaine dont nous sommes aptes à juger, nous autres profanes ; et qui compte aussi dans la gloire de cet incomparable génie ; il y a le philosophe, le moraliste, l’homme qui a le premier rédigé, sous une forme impérissable, les axiomes de la vérité éternelle ; il y a enfin Hippocrate lui-même, admirable nature, aussi grande par le cœur que pas l’esprit ; simple et ingénue comme tout ce qui a conscience de sa force ; calme comme la raison, et remarquable par la douceur non moins que par l’austérité.

Hippocrate, comme Hérodote, était Dorien de naissance ; mais, comme Hérodote, comme les logographes, comme les premiers philosophes, il écrivit dans l’ancienne langue de la prose. Il était né pourtant en 460, plus de vingt ans après Hérodote. Mais cette différence d’âge n’était pas suffisante pour décider Hippocrate à renoncer à l’emploi du dialecte ionien. Les hommes d’État athéniens élevèrent de son temps le dialecte attique à la dignité oratoire ; Thucydide, de son temps aussi, écrivit l’histoire en langue attique ; mais ce n’est que dans les dernières années du cinquième siècle que les disciples de Socrate mirent au jour les ressources de l’idiome d’Athènes pour l’expression des plus imperceptibles nuances de la pensée. Il ne faut donc pas s’étonner si Hippocrate, philosophe avant tout, demeura fidèle aux traditions littéraires de la philosophie, et s’il ne déserta pas les errements des Phérécyde, des Héraclite et des Anaxagore.

Il était de l’île de Cos, où son père exerçait lui-même la profession de médecin. Hippocrate est souvent désigné par le surnom de fils des Asclépiades. Sa famille, comme toutes celles qui se transmettaient de génération en génération les préceptes de l’art de guérir, se vantait en effet de descendre d’Asclépius, que nous nommons Esculape, le père de Machaon et de Podalire. Hippocrate, après s’être formé sous les yeux de son père et par les soins des maîtres qu’il avait dans sa maison et dans sa ville natale, alla prendre, à Sélymbrie en Thrace, les leçons d’Hérodicus, le plus fameux des médecins d’alors.

Il est probable qu’il exerça son art de ville en ville pen-