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Page:Pierron - Histoire de la littérature grecque, 1875.djvu/338

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CHAPITRE XXII.

les fait tous parler au hasard, et il leur met à la bouche les premières expressions qui se présentent ; en sorte qu’on ne peut distinguer si c’est un fils ou un père qui parle, un homme rustique, un dieu, une femmelette on un héros. » Il est probable que Ménandre observait mieux qu’Aristophane la vérité des caractères, et que ses personnages avaient plus de tenue, une harmonie de sentiments plus parfaite, et qu’ils parlaient toujours le langage même de la nature. Voilà ce qui a fait porter à Plutarque ce jugement plus que rigoureux, sur un poëte qui n’eut jamais d’autre but que de soulever le rire, et qui traçait non point des portraits vivants, mais des charges de la réalité. Il y a donc bien des réserves à faire sur cette impitoyable condamnation. Le style d’Aristophane ne doit point être confronté avec un idéal comique qu’Aristophane n’a pu deviner. C’est en lui-même qu’il le faut sentir ; c’est aux effets produits qu’il le faut mesurer, c’est-à-dire à la force des coups satiriques, à la verve du sarcasme, au succès du fou rire. Même encore aujourd’hui, il ne tient qu’à nous de nous convaincre qu’Aristophane fut bien le favori des Grâces, et que Platon n’a point à rougir de son épigramme.


Style d’Aristophane.


Un pareil éloge n’eût pas été au-dessous de ce que méritait Sophocle lui-même. C’est qu’en effet ces deux hommes si dissemblables en tout le reste, Sophocle et Aristophane, furent deux écrivains de même famille, et doués de plusieurs talents parfaitement comparables. Oubliez un instant l’absolu contraste des sujets traités par les deux poëtes ; ne faites attention qu’à l’expression de la pensée, au tour de la phrase, aux choix des termes, à leur position, à la physionomie du style, à l’harmonie intérieure de cette poésie et à son harmonie musicale : c’est la même vigueur et la même souplesse, le même tact infaillible, la même plénitude de sens ; ce sont les mêmes grâces et le même charme ; c’est la perfection de l’art consommé. Le seul défaut du style d’Aristophane, et ce défaut n’en est un que pour nous, c’est d’être chargé d’allu-