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Page:Pierron - Histoire de la littérature grecque, 1875.djvu/345

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ANCIENNE COMÉDIE.

saute d’elle-même aux yeux, toute étincelante à la fois de poésie et de raison.

Le Plutus se sent, bien plus encore que l’Assemblée des Femmes, des effets de la loi portée par les Trente. On l’avait représenté en 409, plusieurs années avant la loi ; mais, pour le remettre au théâtre en 390, Aristophane supprima la parabase et les chœurs même. Sans doute il effaça aussi plus d’un trait licencieux ; car, dans la pièce telle que nous la possédons, quelques mots malsonnants rappellent seuls les gravelures des autres comédies. Il est à croire qu’on avait dès lors étendu au chœur tout entier la proscription dont la parabase seule était primitivement frappée, et que déjà le chœur se taisait honteusement, comme dit Horace, dépouillé qu’il était du droit de nuire. Au reste, le Plutus est bien fait pour donner gain de cause à ceux qui blâment dans Aristophane la personnalité des injures, l’indécence des tableaux et l’obscénité du langage. Cette comédie, pour être moins libre, n’en est ni moins piquante, tant s’en faut, ni moins animée ; et c’est peut-être la mieux conduite, la mieux composée, la plus dramatique des pièces d’Aristophane.

Plutus, c’est-à-dire Richesse (ce mot en grec est du masculin), est aveugle. Un homme pauvre, nommé Chrémyle, est allé demander à l’oracle d’Apollon comment il devait s’y prendre pour s’enrichir. Le dieu lui dit d’emmener avec lui la première personne qu’il rencontrera hors du temple. Chrémyle rencontre Plutus, et l’emmène. Mais Plutus n’y voit pas ; et ce n’est point le compte de l’honnête Chrémyle, que tant d’intrigants et de coquins profitent des largesses du dieu. Il entreprend donc de rendre la vue à Plutus ; et, pour cela, il le conduit au temple d’Esculape. Le miracle s’opère : les gens de bien seuls vont avoir désormais la richesse. Les métamorphoses ne se font pas attendre. Aristophane en fait passer successivement plusieurs sous nos yeux, des plus comiques et des plus divertissantes.

Aristophane détestait Euripide. Il voyait en lui, autant pour le moins qu’en Socrate, un sophiste dangereux, un novateur, le corrupteur du bon goût et de la morale antique.

Déjà, dans les Acharniens, il s’était spirituellement moqué