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Page:Pierron - Histoire de la littérature grecque, 1875.djvu/386

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CHAPITRE XXVIII.

vendu à deniers comptants une petite-fille du juste Aristide, sa propre cousine et sa pupille.

Cet homme méprisable et méprisé se transformait à la tribune ou en face de ses accusateurs, et faisait oublier, à force de talent, toutes ses turpitudes. Ce n’était pas une éloquence impétueuse, ni ces mouvements sublimes qui ne partent que des grandes âmes. C’était un courant pur, limpide, d’une rapidité modérée ; une clarté d’exposition parfaite, un style sans aucun apprêt, simple, naïf, le style de la vieille école, et je ne sais quel parfum d’innocence qui ne sentait guère son Andocide. Tel se montre encore à nous cet orateur, dans les quatre discours qui nous restent des sept qu’il avait écrits. On en jugera à l’exorde du plaidoyer par lequel Andocide se défendit, en l’an 400, contre l’accusation capitale intentée par Céphisius et appuyée par Lysias :

« Les intrigues et les animosités de mes ennemis, acharnés à me persécuter dès l’instant de mon retour dans Athènes, vous sont connues, citoyens ; et de longues réflexions sur ce sujet seraient superflues. Je me borne à une juste demande, qui vous sera facile à accorder, et à moi bien précieuse. Songez qu’en comparaissant devant vous librement, sans caution, sans emprisonnement préalable, je m’appuie sur le bon droit, sur votre équité, certain que, loin de me laisser en proie à mes ennemis, vous m’arracherez de leurs mains par une sentence conforme aux lois et à votre serment. De toutes parts on me rapportait les paroles de ces hommes ; — Andocide n’attendra pas son jugement ; il s’éloignera, il prendra la fuite. Qui ? lui, affronter un procès périlleux, lorsqu’il peut partir, emporter d’abondantes provisions, retourner dans cette île de Cypre, où il a des domaines considérables donnés par la manificence d’un prince ! Quelle considération le retiendrait ici ? ne voit-il pas le triste état de la république ? — Combien de tels pensées sont loin de mon cœur, ô Athéniens ! Non, quelques jouissances que m’offre l’étranger, quelque humiliée que puisse être Athènes, je ne saurais vivre éloigné de ma patrie ; et le titre d’Athénien me semble bien préférable à celui de citoyen des villes les plus