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Page:Pierron - Histoire de la littérature grecque, 1875.djvu/439

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ORATEURS DU QUATRIÈME SIÈCLE AV. J. C.

des noms par lesquels on désigne les figures de rhétorique. S’il n’avait eu que cette gloire, nous ne perdrions pas notre temps à parler de lui. Mais il a excellé dans le genre judiciaire ; et les onze plaidoyers qui nous restent de lui, quoique tous relatifs à des affaires de succession, sont intéressants pour d’autres encore que pour ceux qui s’enquièrent des dispositions du code civil d’Athènes. On y reconnaît un homme d’un vrai talent, exposant les faits avec clarté et précision, discutant les preuves avec une logique serrée, vigoureux à l’attaque, prompt à la réplique, écrivain d’une simplicité nue, mais pleine de verve et d’entrain ; non pas sans doute un grand orateur, mais un parfait avocat attique. Juvénal vante quelque part la véhémence d’Isée. Il est probable que cet Isée de Juvénal n’est point l’orateur athénien, mais le rhéteur Isée, célèbre à Rome au temps des Antonins. N’importe ; il n’y aurait aucune exagération à appliquer le compliment à l’orateur Isée, et même au pied de la lettre. Lysias avait été réduit, par sa condition d’étranger, à n’être guère qu’un rédacteur de discours judiciaires. Isée fut plus proprement ce que nous nommons un avocat. Comme Lysias, il écrivait ordinairement pour d’autres ; mais souvent aussi il parlait en personne pour ses clients. Un de ses plus remarquables plaidoyers est celui qu’il prononça lui-même à propos de la succession d’un certain Nicostrate, dont les héritiers étaient trop jeunes pour porter la parole. On trouve dans les autres plaidoyers des tableaux de mœurs fort piquants ; mais c’est là qu’est le plus vivement et le plus spirituellement tracé. Nicostrate était mort en pays étranger, laissant quelque bien, et n’ayant que des parents collatéraux. Voici comment Isée raconte les obstacles que ses clients ont eu déjà à surmonter avant le procès que leur intente Chamade :

« Qui ne se rasa point la tête à la mort de Nicostrate ? qui ne prit des habits de deuil, comme si le deuil eût dû le rendre héritier ? Que de parents et de fils adoptifs revendiquaient la succession ! On plaida à six différentes reprises, pour les deux talents qui la composaient. D’abord, un certain Démosthène se disait son neveu ; mais il se retira, lorsque nous l’eûmes convaincu de mensonge. Parut ensuite un nommé