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Page:Pierron - Histoire de la littérature grecque, 1875.djvu/475

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COMÉDIE NOUVELLE.

créons d’autres à nous-mêmes. Éternue-t-on, l’inquiétude nous prend ; prononce-t-on une parole malsonnante, nous nous mettons en colère ; quelqu’un a-t-il eu un songe, notre frayeur est extrême ; qu’une chouette vienne à crier, nous sommes tout tremblants. Rivalités, gloire, ambition, lois, ce sont là autant de maux que nous avons ajoutés de surcroît à ceux de la nature. »

La poésie de Ménandre n’est point ce libre jeu d’une imagination hardie et prime-sautière, qui nous charme jusque dans les bouffonneries d’Aristophane ou dans les gaillardises d’Alexis. C’est la raison ornée, c’est l’expérience et le bon sens revêtus d’une forme populaire. Ménandre rachète par la valeur pratique des pensées, par la profondeur des sentiments, par une sorte de pathétique tempéré, ce qu’il a perdu du côté de l’enthousiasme et de la fantaisie. C’est Ménandre qui a fourni l’original du vers sublime où Térence donne la définition de l’homme vraiment digne du nom d’homme.

Plutarque préfère Ménandre à Aristophane. Il n’était peut-être pas nécessaire de sacrifier l’un à l’autre. Les deux génies diffèrent du tout au tout. Les deux genres n’ont de commun que le nom. A quoi bon une comparaison en règle entre la comédie d’Aristophane et la comédie de Ménandre ? Mais Plutarque a raison d’admirer, chez Ménandre, la finesse, la délicatesse et la grâce du badinage, le respect des bienséances, la passion du bien. Je crois pourtant, si j’en juge d’après le théâtre de Térence, que la comédie de Ménandre n’était pas toujours une école de vertu. L’immoralité était quelquefois dans les choses, dans les sujets mêmes ; elle n’était jamais dans l’expression. D’ailleurs il y avait des œuvres d’une irréprochable pureté, témoin l’Andrienne.

Térence est un des plus charmants poëtes qu’il y ait eu au monde. Quelle perte que celle des originaux de ses chefs-d’œuvre ! Ce Térence, si beau, si parfait pour nous, n’était pour Jules César qu’un demi-Ménandre.


Philémon.


Je ne crois pas qu’il nous soit possible de déterminer avec