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Page:Pierron - Histoire de la littérature grecque, 1875.djvu/48

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CHAPITRE III.

dociles à l’inspiration du maître et fidèles à sa voie ; ils recueillaient les chants à mesure qu’ils s’échappaient de sa bouche ; ils les faisaient retentir après lui dans les solennités, et se les transmettaient les uns aux autres selon l’ordre qu’il avait établi, comme un héritage sacré, comme le titre de leur mission poétique.

Je comprends ces hypothèses dans le système de ceux qui nient, contre toute évidence, l’unité de l’Iliade et de l’Odyssée. Pour eux Homère n’est qu’un nom symbolique, et les poëmes homériques ne sont que la collection, tardivement compilée, des chants des aèdes et des rhapsodes. N’y ayant pas d’épopée au sens où nous l’entendons, mais simplement des fragments épiques, il n’est plus besoin d’attribuer aux inventeurs des facultés surhumaines. Les disciples à leur tour, libres de choisir parmi les inspirations des maîtres, pouvaient alléger, chacun à sa fantaisie, leur bagage poétique, et suffire avec un petit nombre de chants bien choisis, surtout savamment débités, à toutes les exigences d’un auditoire qui se renouvelait sans cesse, ou qui ne haïssait pas la répétition des chefs-d’œuvre. Mais, dès qu’on admet l’unité de composition dans les épopées homériques, on est forcé ou à entasser impossibilité sur impossibilité, ou a reconnaître qu’Homère n’était pas uniquement un chanteur. Sans un secours mnémotechnique, les poëmes homériques n’auraient jamais existé, sinon à l’état d’ébauche ou d’embryon. L’Iliade n’eût été qu’un chant dans le genre de celui de Démodocus célébrant la querelle d’Achille et d’Ulysse ; et l’Odyssée aurait grossi de quelques centaines de vers, dans la mémoire des amateurs et des rhapsodes, la collection de ces chants sur le retour des héros que Phémius aimait à redire, mais qui brisaient le cœur de Pénélope.


Antiquité de l’écriture chez les Grecs.


Mais l’écriture, dit-on, n’était point connue en Grèce au temps d’Homère. Voici les principales raisons alléguées à l’appui de ce paradoxe.

Les lois de Lycurgue n’étaient que des rhètres ou édits