Aller au contenu

Page:Pierron - Histoire de la littérature grecque, 1875.djvu/561

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
549
OPPIEN. BABRIUS.

dans ses descriptions, les traits qu’il a dessinés ailleurs. Il a abusé, par exemple, en jeune homme qu’il était, de la peinture des effets de l’amour. Il ne se tient pas de revenir sans cesse à cet inépuisable sujet, et ce n’est pas toujours pour en tirer des richesses nouvelles. Son abondance est un peu stérile ; et, quoi qu’en dise Jules César Scaliger, il est resté à mille lieues de l’incomparable perfection des Géorgiques. Toutefois il y a quelques-uns de ses tableaux qui sont tracés de main de maître, et qui soutiennent assez bien la comparaison avec les immortelles peintures de Virgile. Par exemple, le combat des deux taureaux, dans le second chant des Cynégétiques. Le style d’Oppien n’est pas seulement orné et nombreux ; il est animé, fort, énergique : il ne lui manque qu’un peu plus de sobriété.

Les naturalistes estiment l’exactitude scientifique d’Oppien, malgré les fables qu’il mêle quelquefois à la vérité, par erreur, ou plutôt par ignorance. Quand il se borne à décrire ce qu’il a vu ou ce qu’il a observé, on peut l’en croire sur parole ; et, comme dit Buffon, une probabilité devient une certitude par son témoignage. Buffon n’a pas dédaigné de puiser plus d’une fois à cette source. Il suffit, pour s’en convaincre, de rapprocher quelques-uns des morceaux du poëte cilicien avec les passages analogues qui se trouvent dans l’Histoire naturelle. Voyez comment Oppien parle de l’éléphant, vers la fin du chant second des Cynégétiques : « De tous les animaux terrestres, il n’en est aucun dont la taille égale celle de l’éléphant. On le prendrait, en le voyant, pour le vaste sommet d’une montagne, ou pour un nuage épais qui recèle dans ses flancs la tempête redoutée des mortels, et qui s’avance en menaçant les campagnes. L’énorme tête du quadrupède est coiffée de deux oreilles creuses et découpées ; entre ses yeux sort un nez long, mince et flexible : on l’appelle trompe ; c’est la main de l’éléphant : avec elle il exécute aisément tous ses desseins. Ses pieds ne sont point d’égale longueur : ceux de devant sont plus élevés que ceux de derrière. La peau dont son corps est revêtu est rude au toucher, désagréable à la vue, et si dure, que le tranchant du fer, à quoi tout cède, ne la saurait entamer. L’éléphant est doué