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Page:Pierron - Histoire de la littérature grecque, 1875.djvu/59

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HOMÈRE.

Troyens hors des retranchements. On imagine assez la douleur d’Achille, sa rage, ses gémissements, les menaces terribles qu’il profère contre le meurtrier. Il n’a plus ses armes, il ne peut courir dans la mêlée. Il sort néanmoins ; mais il s’arrête près du fossé, soutenu par les paroles d’Iris et couvert de l’égide de Pallas : « Trois fois, dit le poëte, le divin Achille pousse un grand cri par-dessus le fossé, et trois fois les Troyens et leurs illustres alliés sont troublés d’épouvante[1]. » Enfin les Grecs respirent, et le corps de Patrocle est mis en lieu de sûreté.

Tandis que les Troyens tiennent conseil durant la nuit non loin des vaisseaux, Achille convoque, de son côté, l’assemblée des Grecs ; désormais tout entier à la vengeance, il renonce à son inaction, et il dépose ses ressentiments contre le fils d’Atrée. Vulcain, à la prière de Thétis, lui a forgé des armes nouvelles. Il s’en couvre, et se précipite sur les Troyens. Ce n’est point une bataille, c’est un carnage. Bientôt il ne reste debout dans la plaine qu’Hector, victime réservée aux destins. Enfin Hector lui-même tombe sous la main d’Achille. Le vainqueur fait à Patrocle de magnifiques funérailles. Cependant le vieux Priam, conduit par un dieu, vient trouver Achille dans sa tente, pour racheter le cadavre d’Hector. Achille n’est point insensible à la douleur et aux prières du vieillard. Priam remporte à Troie les tristes dépouilles de son fils, et les Troyens célèbrent, dans les gémissements et dans les larmes, les obsèques de leur noble héros.

Ce simple récit doit suffire. J’aurais pu l’étendre bien davantage ; mais je n’ai pas eu la prétention de montrer tout ce qu’il y a d’admirable dans le plan et dans la composition de l’Iliade. J’ai voulu simplement prouver que l’Iliade avait un plan, et que la composition de ce poëme n’était point en désaccord avec les plus sévères prescriptions d’une raison même exigeante. L’unité de l’Iliade, la pensée qui vit d’un bout à l’autre, à laquelle se rattachent plus ou moins étroitement toutes les inventions qui remplissent le poëme, c’est la colère d’Achille. Elle n’est pas dans tous les événements, j’en con-

  1. Iliade, chant XVIII, vers 228, 229