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Page:Pierron - Histoire de la littérature grecque, 1875.djvu/74

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CHAPITRE IV.

poëte, les yeux fixés vers le ciel, est emporté loin de la terre par un aigle. L’Iliade et l’Odyssée assistent à son apothéose : l’une, coiffée du casque et tenant en main la lance, symboles guerriers qui caractérisent bien l’épopée des batailles ; l’autre, tenant une rame et coiffée du piléus ou bonnet des marins, symboles non moins caractéristiques de l’épopée des voyages. Au reste, presque toutes les images d’Homère sont des apothéoses. Presque toutes, même celles qui ne sont que de simples têtes, nous le montrent avec le strophium, ce diadème ou cette bandelette qui était le signe de la divinité. Quant aux deux poëmes, on les figurait comme je viens de le dire, ou même par deux symboles hiéroglyphiques, le glaive pour l’Iliade, le piléus pour l’Odyssée.


Caractères des dieux d’Homère.


Je n’ai plus à revenir sur ce que j’ai dit des sources de la poésie d’Homère. Le poëte n’a créé ni ses dieux, ni ses héros, ni les événements qui remplissent ses poëmes. Parler ainsi, ce n’est point ravaler son divin génie. Ecoutez ceci, et jugez si nous manquons de respect au plus grand des poëtes.

Jupiter était adoré en Grèce bien avant la naissance d’Homère ; mais, depuis qu’Homère eut chanté, Jupiter ne s’offrit plus à l’imagination des hommes que sous les traits dont le poëte avait dépeint sa figure : « Ayant dit, le fils de Saturne fit, de ses noirs sourcils, le signe du consentement. Les cheveux du monarque, parfumés d’ambroisie, s’agitent sur sa tête immortelle ; et il a fait trembler le vaste Olympe[1]. » Voilà bien le maître des dieux et des hommes ; voilà bien le Jupiter que consacra, dans le sanctuaire d’Olympie, un artiste digne d’Homère. Au prix de ce dieu vivant, de cette réalité terrible, qu’est-ce, par exemple, que le Jupiter des Orphiques, cette abstraction vague, ce nom qui est tout, et qui demeure abîmé dans le néant de son absolue existence, sans parvenir à être rien qu’un nom ?

Ce que je dis de Jupiter s’applique plus ou moins à tous

  1. Iliade, chant I, vers 528 et suivants.