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Page:Pilot - Chartreuse de Prémol, Drevet, 1882.djvu/89

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De Prémol on jouit d’une vue assez étendue et variée ; l’œil du spectateur aperçoit une partie de la plaine avec ses habitations et ses cultures ; mais il y a là quelque chose qui attriste l’âme et l’afflige ; c’est l’aspect de bâtiments en ruines, rappelant la destruction et la mort. À peine les religieuses eurent-elles quitté le monastère, que les populations voisines l’envahirent et en emportèrent jusques aux bois et aux fers, en un mot, tout ce qu’elles crurent pouvoir utiliser. À ces ravages de l’homme se sont joints, depuis près d’un siècle, ceux du temps et du climat. Il ne reste plus de l’église et du cloître qu’un amas de décombres : quelques pans de murailles, un portail à plein cintre, une fenêtre à ogive avec ses trèfles et des arceaux de voûte. Il n’est jusqu’au sol, au milieu de ces ruines, qu’on dirait avoir été creusé, affouillé et bouleversé partout. Il n’y a debout et de bien entretenue qu’une seule maison, la seule habitée, celle du garde forestier.

Assez près de là, coule un ruisseau, profondément encaissé dans un ravin ; c’est le torrent de la Gorge. Si on morte au-dessus du monastère, on trouve un petit étang, le lac Luitel, entouré de prairies tourbeuses qui semblent fléchir sous les pieds du visiteur. De ces prairies peu solides est sans doute venue la dénomination de Prémol, pratum molle, donnée à cette partie de la montagne.

Après que les Chartreux, absents de leur désert depuis 24 ans, eurent obtenu d’y rentrer, en 1816, quelques anciennes religieuses de Prémol résolurent de former, de leur côté, une congrégation qui leur