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Page:Pirenne – Histoire de Belgique – Tome 6.djvu/179

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LA VENTE DES BIENS NATIONAUX

puissance qu’il n’a jamais possédée, et qu’en affranchissant au point où elle l’a fait, le commerce et l’industrie, c’est lui surtout que, sans le vouloir, elle a favorisé.

Non seulement elle aplanit devant lui tous les obstacles, mais, par une conséquence nécessaire des lois qu’elle porte contre l’Église, elle augmente son volume et ses forces. En effet, pour la plus grande partie, il s’appropriera l’immense richesse foncière consacrée par les générations passées à l’entretien du clergé et à sa mission. En Belgique, plus encore qu’en France, la vente des biens nationaux a tourné à l’avantage de la bourgeoisie.

Durant les premiers temps de l’annexion, en 1794, la République n’avait confisqué et mis à l’encan, dans les départements réunis, que les terres appartenant à des établissements religieux de France ou à des émigrés français. C’est seulement après la promulgation dans le pays des lois abolissant les corporations ecclésiastiques comme les corporations civiles, que leurs biens subirent le même sort. Il est impossible d’apprécier avec quelque exactitude leur superficie et leur valeur. On ne sera sans doute pas très loin de la vérité en estimant qu’ils recouvraient plus d’un quart du sol national[1]. Comparée à cette formidable richesse, celle des métiers apparaît négligeable : elle ne comprenait dans chaque ville que quelques maisons. Quant aux biens des émigrés, c’est à peine s’il en fut question, la plupart des absents étant rentrés de bonne heure et ayant ainsi évité la confiscation. Somme toute, les adjudications n’atteignirent guère en Belgique que les domaines de l’Église ou, pour employer l’expression populaire, que les « biens noirs ».

La mise aux enchères commença au mois de décembre 1796. Le gigantesque transfert de capital foncier qui s’en suivit est sans conteste un des phénomènes les plus importants de l’histoire économique du XIXe siècle. Son étude a malheureusement été si négligée en Belgique, qu’il faut se borner à n’en donner qu’une esquisse tout à fait indigne de son

  1. P. Verhaegen, op. cit., t. II, p. 508.