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Page:Pirenne – Histoire de Belgique – Tome 6.djvu/204

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LA SITUATION INTELLECTUELLE ET MORALE

jourd’hui, de travailler au progrès, devait nécessairement se servir de l’école et partant mettre la main sur elle.

Pour former des hommes utiles ou, si l’on veut, des hommes modernes, il faut qu’il surveille et adapte à ses desseins, non seulement l’instruction, mais l’éducation. Il ne peut pas plus longtemps les abandonner à un pouvoir étranger. Sa souveraineté et son intérêt s’accordent en cela. L’école était orientée vers l’Église : il l’orientera vers l’État. De cléricale qu’elle était, elle deviendra laïque. Et dès lors, il en faudra modifier nécessairement et les méthodes et les programmes. Le latin perdra la place prépondérante qu’il y occupe, au profit des disciplines plus utiles qu’exige le développement des sciences et le bien de la société. Les maîtres seront choisis, formés et rétribués par le pouvoir civil. Bref, l’instruction apparaissant désormais comme un service public, sera soumise à l’autorité publique. Sans doute, la religion ne cessera pas d’y conserver sinon au-dessus, du moins à côté des autres branches de l’enseignement, le rang que lui assigne son importance morale : mais il n’est plus question qu’elle les régente et les soumette à ses dogmes. La science, qui s’est affranchie d’elle dans le monde, doit aussi s’en affranchir dans l’école.

Tels sont les principes dont témoigne la réforme des études, qui, sous le ministère de Cobenzl s’était opérée en Belgique[1]. Les collèges thérésiens institués en 1777 sont les premiers établissements modernes d’instruction qu’ait connus le pays. Le succès en devait être et en fut médiocre. L’Église avait trop de prestige et trop d’influence pour ne pas détourner d’eux la très grande majorité des élèves. La sourde opposition qu’elle leur fit les rendit suspects. En 1785, la population des collèges religieux l’emportait de quatre fois sur la leur.

La République française mit fin à cette concurrence en supprimant les concurrents. Après Fleurus, il ne subsista bientôt plus rien ni des uns, ni des autres. Les collèges thérésiens furent balayés en même temps que les collèges monastiques, et les petites écoles disparurent avec eux dans la tourmente.

  1. Histoire de Belgique, t. V, 2e édit., p. 315.