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Page:Pirenne – Histoire de Belgique – Tome 6.djvu/208

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LA SITUATION INTELLECTUELLE ET MORALE

Créé en vue d’adapter les principes de la Révolution aux besoins d’une société où domine désormais l’influence des classes possédantes, le lycée apparaît comme une institution spécifiquement napoléonienne. Il conserve une partie du programme des Écoles Centrales, qu’il tempère par les méthodes pédagogiques de l’Ancien Régime. Si les sciences exactes y restent en honneur, la prépondérance y revient cependant à l’enseignement littéraire. La religion n’en est plus bannie : elle y occupe la place que lui assigne le Concordat. Puisque le catholicisme est « la religion de la majorité des Français », les classes s’ouvriront par une prière, et les élèves, placés sous la direction spirituelle d’un aumônier, assisteront le dimanche, dans la chapelle, à la messe et au salut. Nul exclusivisme d’ailleurs : les dissidents sont conduits à leurs temples par les ministres des cultes qu’ils professent. Au surplus, l’esprit de la maison comme celui de l’État reste laïque et l’enseignement n’est pas plus confessionnel que le code civil. À tout prendre, les lycées ont dû apparaître aux yeux des Belges comme une restauration des collèges thérésiens. Comparaison d’autant plus légitime que le lycée ne prétend plus former des citoyens mais donner aux enfants des classes dirigeantes une instruction et une éducation qui leur permettent de servir utilement l’État. Car l’État, comme au temps du despotisme éclairé, exerce sur eux un contrôle étroit. De là l’internat obligatoire, l’institution de censeurs chargés du maintien de l’ordre et de la conservation du « bon esprit », l’initiation des élèves au maniement des armes et l’introduction d’une discipline qui leur donne, dès l’école, la préparation militaire. Tout était combiné, dans les collèges de l’Ancien Régime, pour conduire les élèves vers l’Église ; tout l’est ici pour les dresser au rôle de fonctionnaires ou d’officiers. Par les bourses qu’il attribue, le gouvernement met la main à l’avance sur les sujets les plus méritants et les enrôle, dès l’enfance, à son service.

Un lycée au moins devait exister dans le ressort de chaque cour d’appel. La Belgique en posséda quatre, institués à Bruxelles, à Liège, à Gand et à Bruges. Sous eux, des écoles secondaires ou collèges, subventionnées par l’État, pouvaient