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Page:Pirenne – Histoire de Belgique – Tome 6.djvu/224

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LA FIN DU RÉGIME

Les séminaristes se montrent indomptables. En vain, les préfets essayent tour à tour sur eux de la conviction et de la menace. En vain leur affirme-t-on que Hirn et de Broglie ont donné leur démission. Plutôt que de céder, ils se laisseront enrôler dans l’armée. Cent quatre-vingt-treize d’entre eux furent envoyés de Gand dans les casemates de Wezel, où plusieurs moururent de maladie[1].

II

Le mécontentement provoqué par la rupture de Napoléon avec le pape fut très profond : il ne fut pas général. Depuis l’occupation française, l’influence de l’Église sur la nation avait diminué d’une manière très sensible. Il ne lui était plus possible de fermer la bouche à ses adversaires, elle avait perdu le monopole de l’enseignement, et l’administration tout en la surveillant la tenait à l’écart. L’État la protégeait à condition qu’elle se soumît à sa tutelle et obéît à ses directives. Il ne s’intéressait à elle que par considération politique et il n’était que trop visible que les sentiments qu’il professait à son égard étaient ceux d’une indifférence dédaigneuse. S’il admettait qu’il fallût une religion pour le peuple, c’est qu’il considérait le peuple comme trop inculte pour s’en pouvoir passer. Il était utile de le laisser sous l’empire des croyances arriérées qui réprimaient ses instincts et lui rendaient sa misère plus tolérable. Mais comment admettre que les hommes éclairés attachassent encore quelque importance à des dogmes et à des cérémonies que Voltaire avait accablés de ses sarcasmes ? L’attitude des préfets leur indiquait celle qu’ils devaient prendre : on ne les voyait à l’église qu’aux jours de Te-Deum ; ils se contentaient, le dimanche, d’y envoyer leurs

  1. Voy. la relation de ces événements dans la relation imprimée à la fin de la Chronique publiée par Galesloot, t. II, p. 191 et suiv. Add. J. van der Moere, De jonge levieten van het seminarie van Gent te Wezel (Bruxelles, 1856) ; Claeys-Bouwaert, Un séminaire belge sous la domination française. Le séminaire de Gand (Gand, 1913).