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Page:Pirenne – Histoire de Belgique – Tome 6.djvu/227

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LA CONSCRIPTION

La situation était d’autant plus fâcheuse qu’on ne doutait pas qu’elle ne fût due à la politique du gouvernement et à l’ambition de l’empereur. Le peuple souffrait plus encore que les classes aisées. Outre le renchérissement de l’existence et le manque de travail, il avait à supporter le fardeau de plus en plus lourd de la conscription. Elle pesait sur lui de tout son poids puisque la faculté du remplacement, introduite et constamment élargie depuis 1799, en exonérait les riches. Au début, quelques mesures avaient été prises pour la rendre moins oppressive en Belgique. Mais les souvenirs de la guerre des paysans n’avaient pas tardé à s’évanouir et il avait fallu se courber sous la loi commune. À partir de 1806, les exigences de l’armée vont croissant avec une rapidité effrayante. En 1807, on appelle non seulement les conscrits de la classe, mais encore, par anticipation, ceux de l’année suivante. Même mesure en 1808, aggravée par un appel supplémentaire des recrues de 1806 à 1809. En 1809, le contingent, grossi des jeunes gens de 1810 convoqués à l’avance, atteint le chiffre de 110,000 hommes ; il passe à 120,000 en 1812 et à 160,000 en 1813, grâce aux appels anticipés des classes de 1814 et de 1815, auxquelles il faut ajouter encore 100,000 gardes nationaux mis en activité.

Naturellement, les recrues cherchent à échapper à ces exigences, mais plus elles s’y efforcent et plus le gouvernement les pourchasse et resserre autour d’elles les mailles du filet. Une véritable traque à l’homme s’organise, aussi ingénieuse que brutale. Depuis 1808, elle absorbe l’activité des préfets au point qu’il s’en faut de peu qu’ils n’apparaissent comme des agents recruteurs. Leur zèle, inlassablement, fouaille l’apathie et la mauvaise volonté des maires et impose aux évêques et aux curés de mettre leur autorité morale au service de l’armée. La gendarmerie patrouille en permanence à la recherche des réfractaires ; des garnisaires sont logés au domicile des parents dont le fils a disparu, à leurs frais s’ils peuvent payer, aux frais de la commune s’ils sont insolvables.

À partir de 1808, on va jusqu’à arrêter les pères et mères