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Page:Pirenne – Histoire de Belgique – Tome 6.djvu/23

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INTRODUCTION

Si l’on jette un coup d’œil d’ensemble sur la Révolution française, on aperçoit qu’elle achève une évolution historique et qu’elle en inaugure une autre. Elle met fin à l’Ancien Régime non seulement en lui substituant l’unité et la centralisation de l’État, mais aussi en fondant l’État sur la souveraineté nationale. Ces deux réformes ne s’accomplissent pas successivement, mais en même temps. Elles se développent pour ainsi dire enchevêtrées l’une dans l’autre, et il leur arrive de se gêner, parfois même de s’opposer. De plus, les contingences ont lourdement pesé sur elles. Il est impossible de comprendre la Révolution si l’on ne tient pas compte des événements qui l’ont obligée à prendre des mesures qui ne répondaient pas à ses principes. Oublier qu’elle s’est trouvée en guerre avec l’Europe, qu’elle a dû tout sacrifier à la défense du sol national et en même temps à la sauvegarde du régime qu’elle a établi, ne point observer que la passion révolutionnaire et le patriotisme s’y sont inspirés mutuellement, c’est se condamner tout à la fois à en faire la caricature et à ne pouvoir distinguer ce qu’elle a de proprement français de ce qu’elle a d’universel.

Car elle apparaît, à ses débuts tout au moins, comme un fait cosmopolite plus encore que comme un fait national. Elle découle de cette philosophie qui au XVIIIe siècle domine la