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Page:Pirenne – Histoire de Belgique – Tome 6.djvu/247

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LES BELGES ET LA MAISON D’AUTRICHE

soldats. Dès le début de l’occupation, la formation d’une « armée belge » avait été décidée. Le duc de Beaufort avait lancé un appel invitant des volontaires à s’y faire inscrire, et le comte de Lottum exhortait les femmes à faire des dons patriotiques à l’exemple des « généreuses Prussiennes et Hollandaises »[1]. Quelques régiments avaient été organisés, mais les gens prudents se demandaient si, au milieu de l’exaspération générale, il était sage de pousser plus loin les enrôlements. La déception des conservateurs qui avaient compté sur la restauration de l’Ancien Régime aggravait encore la confusion et l’insécurité. Le plus convaincu et le plus désillusionné d’entre eux, J.-J. Raepsaet, envisageait l’avenir sous les couleurs les plus sombres.

Pour tous ceux qui réfléchissaient, il était impossible, en effet, de ne pas se demander avec angoisse ce que l’on allait devenir. La restauration autrichienne avait paru tout de suite à la noblesse et au clergé la conséquence naturelle de la victoire des alliés. La chute de Napoléon annulant les traités de Campo-Formio et de Lunéville, ils se persuadaient que l’empereur François allait faire valoir les droits de sa maison sur la Belgique. À vrai dire, bien peu d’entre eux admettaient sincèrement la légitimité de ces droits contre lesquels la révolution brabançonne s’était si vivement soulevée. Croire que la plupart des Belges éprouvaient pour la dynastie habsbourgeoise « un ancien attachement qui leur fait honneur »[2], c’était se laisser tromper par les apparences. À part un très petit nombre de légitimistes, ses partisans ne songeaient qu’à eux-mêmes. S’ils témoignaient tant de tendresse pour cet empereur qu’ils avaient si aigrement reçu en 1793, c’est qu’ils espéraient de lui le rétablissement de l’ancienne constitution. Leur loyalisme ne s’alimentait que de leurs aspirations conservatrices. Leur vœu aurait été de constituer, sous un prince de la famille impériale, un État distinct, vaguement rattaché à la monarchie et dans lequel les États eussent possédé, confor-

  1. Journal officiel du gouvernement de la Belgique, t. I, p. 30-42.
  2. Gedenkstukken 1813-1815, p. 560.