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Page:Pirenne – Histoire de Belgique – Tome 6.djvu/249

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INQUIÉTUDES DE L’OPINION

« libéral » ? Ce mot seul excitait ses inquiétudes. La foi, plus encore que sous Napoléon qui du moins professait le catholicisme, allait être soumise à de nouveaux périls. Les souvenirs du XVIe siècle se réveillaient.

Et déjà, profitant de cette inquiétude, des agents français s’empressaient de travailler l’opinion au profit de Louis XVIII. L’intérêt le plus évident des Belges ne leur commandait-il pas de rester unis à la France revenue, en même temps qu’à son roi légitime, à la religion et aux vrais principes de la conservation sociale ? Les industriels y trouveraient autant de garanties que le clergé et la noblesse. Elle offrirait son marché à leurs produits et les débarrasserait de la concurrence anglaise que la levée du blocus continental allait rendre plus menaçante[1]. Mgr. de Broglie qui venait de se réinstaller à Gand, faisait chorus. Son « ultramontanisme » plus encore que son influence personnelle le rendaient un dangereux instrument de propagande française[2]. Cependant les brochures répandues par les émissaires du prince d’Orange discréditaient sa cause au lieu de lui rallier l’opinion[3]. Personne ne voulait de la Hollande. Seuls, les acheteurs de biens nationaux et un groupe d’industriels comptant sur les débouchés de ses colonies, lui montraient des dispositions favorables[4]. Mais qu’arriverait-il si on parvenait à lui échapper ? Lord Castlereagh avait parlé de la Prusse, et tout le monde en avait horreur. Au milieu de l’incertitude et des appréhensions on s’aigrissait, et les partis s’accusaient réciproquement de trahir les intérêts du peuple. Les anciennes querelles des « constitutionnaires » et des démocrates se réveillaient et s’aggravaient de l’impuissance où ils se voyaient les uns et les autres d’agir sur les Puissances qui s’arrogeaient le droit de disposer de la nation.

  1. Voy. par exemple, la brochure intitulée Lettre d’un Belge à S. M. Louis XVIII, roi de France (s. d. 1814).
  2. De Gerlache, Histoire du royaume des Pays-Bas, t. I, p. 335.
  3. Voy. Le vœu du peuple belge (Gand, 1815), et La réunion de la Belgique à la Hollande serait-elle avantageuse ou désavantageuse à la Belgique ? (par A. van Bylandt). Cf. Gedenkstukken 1813-1815, p. XXI et 531.
  4. H. T. Colenbrander, Ontstaan der Grondwet, t. II, p. LXIV. Cf. Gedenkstukken 1813-1815, p. 307, 586.