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Page:Pirenne – Histoire de Belgique – Tome 6.djvu/262

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LA NOUVELLE BARRIÈRE

à quoi que ce soit qui ne fût pas le repos. Vainement quelques impérialistes cherchaient à discréditer Guillaume auprès des « libéraux » en exploitant contre lui ses récentes concessions à l’Église. Un pamphlet Le cri de l’oppression recommandait aux Belges de se « jeter dans les bras de la France » puisque « le Congrès de Vienne n’a pas encore disposé de nous ». Le 14 mars, le duc d’Ursel écrivait à Falck que les troupes belges étaient « animées d’un mauvais esprit », que les jeunes gens ayant servi sous les drapeaux de l’empereur avaient été « ensorcelés » par lui, et que si Napoléon mettait le pied sur le territoire, « il aurait bientôt employé à son profit les ressources qui doivent nous servir à l’écarter. »[1] Ces craintes ne devaient pas se réaliser. Aucune émotion ne se manifesta quand l’armée française franchit la frontière (15 juin). À Waterloo, les soldats belges firent leur devoir. Ils combattirent aussi bravement sous les ordres de Wellington qu’ils l’avaient fait sous ceux de Napoléon[2].

Mais on ne peut s’étonner que la victoire n’ait pas causé dans le pays le moindre enthousiasme. Pour les Belges, en effet, ce qu’elle avait tranché, ce n’était pas la question de leur indépendance, mais celle de leur annexion. Sans doute, ils avaient été excédés du despotisme impérial. Mais que leur réservait l’avenir ? Courbés jadis sous la volonté de Napoléon, ils l’étaient maintenant sous la volonté de l’Europe. Les Puissances avaient disposé d’eux en vertu du droit de conquête. Il leur semblait, et il devait leur sembler, qu’en passant sous le pouvoir de Guillaume, ils n’avaient fait que changer de domination. Seuls les gens en place faisaient éclater, comme ils l’avaient fait si souvent aux jours glorieux de l’Empire, une joie de commande. Ils assistèrent aux Te Deum après Waterloo comme ils y avaient assisté après Austerlitz. Pour le public, il n’y avait de possible qu’une seule attitude, celle du recueillement dans l’attente.

  1. Gedenkstukken 1813-1815, p. 746. Cf. p. 1343.
  2. Sur leur conduite, voir H. Houssaye, 1815, p. 341, 347, 363, 386, 391, 395, 415 et F. de Bas et J. de T’ Serclaes de Wommersom, La campagne de 1815 aux Pays-Bas d’après les rapports officiels néerlandais.