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Page:Pirenne – Histoire de Belgique – Tome 6.djvu/280

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L’AMALGAME

on chante une messe pour détourner du pays le malheur qui le menace. Les gardes bourgeoises s’agitent. Les femmes mêmes, écrit le comte de Thiennes, ne parlent que de la constitution. Et les partisans de la France, au milieu de cette exaspération, recommencent leurs manœuvres. Les anticléricaux de leur côté compromettent le roi par les attaques qu’ils lancent contre les prêtres. Le gouverneur militaire de Gand fait le plus grand mal en distribuant des pamphlets anti-catholiques. Les agitateurs ont beau jeu quand ils prétendent que Guillaume veut imposer le protestantisme à la Belgique[1].

C’est sous l’influence de cette fermentation que, du 14 au 18 août, votèrent les 1603 notables choisis par le roi. Ils avaient été désignés dans la proportion de 1 par 2000 habitants et presque personne n’avait réclamé de radiations. Le gouvernement pouvait s’attendre, les ayant lui-même triés sur le volet, à une majorité favorable. La surexcitation de l’opinion explique facilement le petit nombre des absents : il n’y en eut que 280. Des 1323 votes émis, 527 approuvèrent la constitution, 796 la rejetèrent. Contre toute attente, elle était repoussée à la majorité de 269 voix !

Pour peu que l’on envisage les votes, on se convainc qu’ils furent essentiellement déterminés par la question religieuse. Ce n’est pas pour ou contre la constitution qu’on se prononça, mais pour ou contre l’Église. Dans toutes les régions où le peuple obéissait à son ascendant, les notables montrèrent à la Loi fondamentale la même hostilité qu’ils avaient jadis montrée aux droits de l’homme. À Verviers, à Luxembourg, à Neufchâteau, à Diekirch, il n’y eut pas un seul opposant. En revanche, Ypres et Anvers ne fournirent que des votes négatifs. En dépit de ses affinités linguistiques avec la Hollande, la partie flamande du pays se prononça dans sa très grande majorité contre la loi ; la plupart de ses adhérents se rencontrèrent dans les provinces wallonnes[2].

Pour tous ceux qui avaient cru à la possibilité de l’amal-

  1. Colenbrander, loc. cit., p. 597 et suiv.
  2. Pour la répartition des votes, voy. Ibid. p. 615.