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L’INSTALLATION DU RÉGIME

d’électeurs nommés au second degré par les propriétaires les plus imposés[1]. Nulle unité d’ailleurs dans ce corps électoral déjà si compliqué. La Loi fondamentale réservait au roi le droit d’édicter les règlements qui en déterminaient dans chaque ville et dans chaque province la composition. Suivant les régions le cens variait, mais il était toujours très élevé, et s’il arrivait qu’on le modifiât, c’était pour l’élever encore davantage. De plus on votait à domicile, les autorités se chargeant de recueillir et de dépouiller les bulletins. Une semblable organisation laissait filtrer partout l’influence du pouvoir. En fait, par pression directe ou déguisée, il déterminait à son gré la majorité des États-Provinciaux et par cela même celle des États-Généraux. Les gouverneurs qui, dans chaque province, présidaient les États, leur recommandaient ouvertement les candidats officiels, et il était bien rare qu’on ne déférât point à leurs désirs. Très souvent, c’est sur des fonctionnaires que se portait le choix. Ils abondaient à la seconde Chambre et leur complaisance était d’autant plus grande que le roi pouvait casser ceux d’entre eux dont le vote lui avait déplu[2]. C’était en même temps un moyen de se débarrasser pour toujours de leur opposition, un arrêté ayant rendu inéligibles les fonctionnaires révoqués. Ainsi constituée, on voit quelle illusoire garantie la seconde Chambre des États-Généraux fournissait à la nation en face du souverain. Il fallut attendre l’éveil de l’opinion et la constitution de partis politiques, pour voir se dessiner peu à peu une opposition devant laquelle le gouvernement se sentit d’autant plus désorienté qu’il ne l’avait pas crue possible.

On était encore loin de là en 1815. Complètement rassuré sur l’exercice de son pouvoir, le roi affichait volontiers des allures de souverain constitutionnel et libéral. Il avait sans

  1. En Hainaut, suivant les localités, le cens de ces électeurs était de 20 à 60 florins de contributions directes.
  2. En février 1818, le budget n’ayant passé qu’à la majorité des deux tiers des voix, il ordonne de rayer de la liste des personnes invitées à la Cour, les trente-trois membres des États qui ont voté contre. Gedenkstukken 1815-1825, t. I, p. 246.