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Page:Pirenne – Histoire de Belgique – Tome 6.djvu/344

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LES PARTIS ET LE GOUVERNEMENT

paru (1828) qu’il se trouvait dans toutes les mains. Dès 1829, on en relève quatre éditions à Bruxelles. L’abbé van Bommel en donnait une traduction hollandaise. Les deux principaux organes de l’opinion catholique, Le Courrier de la Meuse et Le Catholique des Pays-Bas le propageaient avec zèle. Au sein du clergé comme au sein des fidèles, c’était une adhésion complète à la formule libératrice. Nulle hésitation, nul scrupule, une ardeur d’autant plus grande et plus confiante que dans l’Église belge désorganisée par la mort de ses évêques, personne ne peut en réfréner les emportements. À Bruxelles l’internonce du pape, Mgr. Capaccini, se méfie de cette fougue. « Les catholiques les plus pieux, écrit-il avec inquiétude à Rome, et ceux-là même qui refusèrent en 1815 d’accepter des fonctions publiques pour ne pas devoir prêter le serment à la Loi fondamentale parce que celle-ci reconnaissait la liberté des cultes et de la presse, ne désirent aujourd’hui que cette liberté, parce qu’ils sont convaincus que c’est là l’œuvre de leur salut »[1].

Les libéraux contemplèrent d’abord avec surprise une conversion si étonnante. Ils ne pouvaient se dissimuler que cette même liberté qu’ils revendiquaient par principe, leurs adversaires ne l’exigeaient que dans l’intérêt de l’Église et faute d’avoir pu la confisquer à son profit. Mais quoi ? Devaient-ils refuser l’alliance qui s’offrait et renoncer à l’occasion inespérée de marcher côte à côte contre l’ennemi commun pour s’obstiner dans de vieilles querelles et perpétuer leur impuissance ? « Dira-t-on, demandait le Mathieu Lansberg, que Le Catholique prêchant la liberté, il nous faille à toute force prêcher le despotisme »[2] ? L’opportunisme n’imposait-il pas l’union, quitte à la briser quand, la victoire obtenue, il ne serait plus possible de s’accorder ? N’existait-il pas d’ailleurs, entre catholiques et libéraux belges un terrain d’entente ? Ne souffraient-ils pas les uns et les autres des mêmes griefs ? Acharnés à se combattre, ils s’étaient mutuellement empêchés

  1. Terlinden, op. cit., t. II, p. 352.
  2. Th. Juste, Histoire de la révolution belge de 1830. t. p, 100.