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Page:Pirenne – Histoire de Belgique – Tome 6.djvu/35

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MÉCONTENTEMENT DES BELGES CONTRE L’AUTRICHE

Il était réservé à la Révolution de continuer la tradition de l’Ancien Régime et d’accomplir en ceci la mission de la royauté. Sa grandiose et fougueuse expansion sur le monde devait tout d’abord la précipiter sur la Belgique. Dans la voie que Philippe-Auguste avait ouverte par la victoire de Bouvines (1214), elle débuta par celle de Jemappes.

La déclaration de guerre lancée par Louis XVI à l’Autriche, le 20 avril 1792, sous la pression de l’opinion publique et de la force des circonstances, allait donc rouvrir l’ère des guerres européennes en rouvrant la question de la Belgique. Il importait peu que, dans un élan d’idéalisme humanitaire, l’Assemblée nationale eût solennellement déclaré qu’elle ne voulait pas de conquêtes et n’ambitionnait que d’affranchir les peuples du joug des tyrans. On ne déchaîne point la guerre sans s’y asservir. La lutte entreprise au nom des droits de l’homme devait fatalement aboutir aux dures réalités de l’annexion.

Cette lutte, la Belgique l’attendait, ou pour mieux dire, elle l’espérait. La restauration autrichienne l’avait laissée en proie à un mécontentement et à un malaise incurables[1]. Tous les partis étaient également exaspérés. À peine réinstallés à Bruxelles, les gouverneurs, Marie-Christine et Albert de Saxe Teschen, s’étaient rendu compte des périls qui les entouraient. Sauf quelques fonctionnaires, personne ne s’était rallié à un régime qui ne se maintenait que par l’occupation militaire. Il ne servait à rien de prodiguer les bonnes paroles et les promesses. Les avances faites aux Vonckistes n’arrivaient qu’à aigrir davantage le clergé et le parti des États : elles ne ramenaient au gouvernement aucun démocrate. Si forte qu’elle fût, l’hostilité que les factions nourrissaient l’une contre l’autre, ne les empêchait point de s’associer en un même sentiment de résistance au gouvernement. L’indépendance dont on avait joui un instant durant la révolution brabançonne demeurait dans les vœux de tous, et tous l’espéraient de la France. Par haine de l’Autriche, les conservateurs applaudissaient à la Révolution et attendaient avec impatience le moment où ses

  1. Histoire de Belgique, t. V, 2e édit., p. 537 et suiv.