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Page:Pirenne – Histoire de Belgique – Tome 6.djvu/358

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LA BELGIQUE DE 1815 À 1830

par ce qu’elle perdait de l’autre ? N’a-t-elle pas été lésée par les tarifs douaniers que le gouvernement, obligé de tenir compte des intérêts divergents des deux parties du royaume, a été forcé de lui imposer ? Et les progrès de l’industrie belge n’ont-ils pas entravé, sinon même étouffé chez elle le développement des manufactures ?

Pour la Belgique, au contraire, l’union, à l’envisager du point de vue économique, fut incontestablement un bienfait. Abandonné à lui-même, le pays eût été incapable de se maintenir au point où il était arrivé sous l’Empire. L’exportation était pour lui un besoin vital. Que fût-il devenu, confiné dans d’étroites frontières hérissées de droits protecteurs ? Sa jeune industrie eût été condamnée à disparaître si, au moment même où la Restauration lui fermait le marché français qui depuis quinze ans excitait et soutenait son activité, elle n’avait trouvé, grâce au commerce et aux colonies de la Hollande, des débouchés nouveaux. La création du royaume des Pays-Bas lui apporta le salut. C’est à lui qu’elle a dû non seulement de ne pas périr, mais d’acquérir une vigueur qui assura désormais son existence.

En passant d’un régime à l’autre, elle eût naturellement à traverser une crise très cruelle. Brusquement détournée de la France, elle se trouvait obligée de modifier ses habitudes pour s’initier à des méthodes commerciales et à des marchés qu’elle ne connaissait pas. Elle avait à faire un apprentissage et pour ainsi dire à opérer un redressement auquel rien ne l’avait préparée. Elle perdait une clientèle assurée, en vue de laquelle elle avait organisé sa production et aux besoins de qui elle était accoutumée. Rien d’étonnant si elle se trouva tout d’abord désorientée. Ce qui doit surprendre, c’est beaucoup moins la gravité que la courte durée de la crise qui la frappa. Comme on l’a vu plus haut, elle ne dura guère que cinq ans[1]. En 1820, les difficultés du début étaient surmontées. Après une période de tâtonnements et d’incertitude, on s’était accoutumé aux circonstances et tout de suite un mouvement de

  1. Voy. ci-dessus, p. 273.