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Page:Pirenne – Histoire de Belgique – Tome 6.djvu/363

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INTERVENTION DU ROI EN FAVEUR DE L’INDUSTRIE

les droits d’entrée et remaniait le système des droits différentiels en vue d’avantager le transit et la navigation. Il laissait d’ailleurs au roi la faculté de prendre, suivant les circonstances, des mesures spéciales et même de prohiber certaines marchandises. En fait, dès l’année suivante, une guerre douanière était entreprise contre la France. Dans son ensemble cependant, le nouveau tarif était plus libéral que celui d’aucun autre État[1]. Les Belges s’élevèrent contre lui avec violence. Il provoqua des discussions passionnées dans la seconde Chambre des États-Généraux. On accusa le roi de s’être laissé dominer par sa prédilection pour ses compatriotes et de leur avoir sacrifié ses nouveaux sujets.

Rien n’était plus injuste. L’industrie apparaissait à Guillaume la source essentielle de la prospérité de l’État et il était trop avisé pour consentir à des mesures qui eussent compromis son avenir. Mais avec un tact très sûr de la situation, il comprenait qu’il fallait la garantir du séduisant péril d’un protectionnisme outrancier. Il ambitionnait pour elle un champ d’action bien plus vaste que le marché national. Il voulait la mettre à même de se répandre largement au dehors. Il lui réservait d’ailleurs le débouché des colonies où des droits d’entrée prohibitifs lui permettraient de défier la concurrence anglaise. C’était à elle à se créer d’autres débouchés par une réforme de ses procédés, par l’intelligence, l’initiative et l’énergie. Le devoir du souverain n’était pas de construire autour d’elle une muraille de Chine, mais de soutenir et de promouvoir son expansion. Et il s’y ingénia de toutes ses forces.

À l’exemple de Napoléon, il prodigua les subventions aux inventeurs et aux entrepreneurs. Il leur ouvrit sa cassette avec une générosité d’autant plus active qu’en s’intéressant lui-même à leurs affaires, il participait à leurs risques. Dès 1817, il vendait à John Cockerill le château de Seraing, ancienne demeure de plaisance des princes-évêques de Liège, pour lui permettre de concentrer ses ateliers de construction de machines jusqu’alors éparpillés, et il devenait le principal actionnaire de l’usine. En 1821, il envoyait Roentgen en Angleterre pour

  1. Posthumus, op. cit., t. III, p. 314.