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Page:Pirenne – Histoire de Belgique – Tome 6.djvu/375

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DÉFAUT D’INFLUENCE HOLLANDAISE

les auditeurs de Warnkoenig, durant son séjour à Gand, aucun ne se soit douté que leur maître préparait le célèbre ouvrage qui est resté si longtemps la base de l’histoire du droit et des institutions de la Flandre.

Si sérieux et si sincères qu’ils aient été, les efforts du gouvernement pour instruire les Belges, à son profit et au leur, n’aboutirent donc qu’à un échec. Comment en eût-il été autrement ? De la Hollande ne pouvait venir aucune idée susceptible d’agir sur un peuple que tout orientait vers la France. On l’avait constaté dès les premiers contacts entre gens du Nord et gens du Midi. Il suffit de rappeler ici l’incompatibilité de leurs vues lors de la discussion de la Loi fondamentale et le reproche adressé aux Belges par leurs collègues d’avoir la tête farcie de théories françaises. Ce reproche, ils ne devaient que le mériter davantage au cours des années. L’activité des réfugiés français que le roi eût l’imprudence de tolérer à Bruxelles et dans toutes les grandes villes parce qu’elle secondait sa politique, accentua encore le prestige que Paris exerçait déjà. La presse française fut par excellence l’aliment intellectuel de la bourgeoisie et elle le devint de plus en plus à mesure que grandit l’opposition au gouvernement. Catholiques et libéraux se passionnèrent pour les débats des Chambres françaises, pour les doctrines parlementaires de Benjamin Constant, pour la liberté religieuse revendiquée par Lamennais. Les Hollandais cependant, fidèles aux doctrines monarchiques par loyalisme et par adhésion aux théories politiques des juristes et des philosophes allemands, condamnaient ces nouveautés. Ainsi, entre eux et les Belges, le malentendu allait croissant. On se rendait mépris pour mépris. On s’accusait mutuellement, faute de se comprendre, de ne rien comprendre du tout. Le Nord s’apitoyait dédaigneusement sur l’ignorance et la futilité du Sud ; le Sud se moquait du pédantisme et de l’esprit réactionnaire du Nord. En 1830, les deux peuples étaient plus loin de s’entendre qu’ils ne l’avaient jamais été. Aucune pénétration de l’un à l’autre. L’accord des idées était encore plus rare entre eux que les mariages.

Dans ces conditions, on ne peut s’étonner de l’insuccès