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Page:Pirenne – Histoire de Belgique – Tome 6.djvu/38

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JEMAPPES

forme à Givet, trois légions belges, à Lille, qui entreront en campagne avec les armées françaises. La victoire obtenue, une constitution nouvelle sera donnée au pays. Puisqu’on aura la force, rien ne sera plus simple que d’y organiser l’ordre nouveau sur les ruines du passé. De celui-ci, rien ne subsistera plus. La constitution dont le « manifeste des Belges et Liégeois unis » promulgue les principes, est un des symptômes les plus caractéristiques de cette foi naïve dans les lumières de la raison abstraite et dans la vertu du peuple qui, en ces premiers temps d’enthousiasme révolutionnaire, s’est imposée avec l’ascendant irrésistible d’une révélation[1].

Basée sur les droits de l’homme, la république belge de l’avenir sera réellement une démocratie. Le pouvoir législatif y appartiendra à une assemblée élue au suffrage direct et universel par tous les citoyens majeurs ; l’exécutif, à un sénat de quinze membres doué du droit de véto, mais dont les décisions seront soumises au referendum. Il est impossible de réaliser plus complètement la souveraineté du peuple. Avec un zèle de néophytes, les Belges et Liégeois unis ne se contentent pas de la constitution française de 1791. Évidemment influencés par les partisans de la démocratie égalitaire et républicaine qui commencent à s’affirmer dans les clubs parisiens, ils vont du premier coup à l’extrême et, dès le mois d’avril 1792, témoignent d’un radicalisme politique où la Convention elle-même n’atteindra pas.

Si fort qu’elle fasse abstraction de l’histoire et des réalités, leur ardeur novatrice pourtant n’en porte pas moins, et d’une façon frappante, un caractère national. Car cette république dont ils rêvent, ce n’est pas seulement une république indépendante de la France, mais une république qui comprendra en une même nation les Pays-Bas autrichiens et le pays de Liège. En même temps qu’ils anéantissent au nom des droits de l’homme les institutions séculaires de leur patrie, ils abolissent les suzerainetés particulières qui s’imposent à elle. Et

  1. Le manifeste a paru à Paris « l’an IV de la liberté française ». En réalité il date d’avril 1792.