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Page:Pirenne – Histoire de Belgique – Tome 6.djvu/398

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LA SÉPARATION

de la bourgeoisie armée » de s’abstenir de toute action aussi longtemps que les habitants respecteront les autorités civiles et maintiendront le bon ordre. N’osant attaquer l’insurrection, il la reconnaît.

Les événements de Bruxelles avaient éclaté à l’improviste, mais la situation était trop tendue pour que le pays ne dût pas vibrer aussitôt à l’unisson de la capitale. Louvain, Ath, Wavre, et Mons sont en rumeur. Dans le pays de Liège surtout, la répercussion fut immédiate et profonde. Les tendances libérales et démocratiques dont s’était inspirée au XVIIIe siècle la révolution liégeoise, s’étaient encore renforcées durant la révolution française. Dans cette contrée essentiellement industrielle, les traditions de l’Ancien Régime avaient disparu plus complètement que partout ailleurs. L’influence du clergé et de la noblesse y était bien moindre que dans le reste de la Belgique. Nulle part l’adhésion de la bourgeoisie aux idées libérales n’était aussi complète[1]. Nulle part non plus le prolétariat n’était aussi nombreux et par cela même aussi enclin à se laisser emporter par la violence.

À peine les nouvelles de Bruxelles sont-elles connues, les têtes se montent. À Liège, à Huy et à Verviers, les ouvriers s’assemblent en tumulte. Le mécontentement social et le mécontentement politique les lancent dans une agitation confuse dont les meneurs étrangers, les vagabonds et les pillards cherchent à tirer parti. On brise des machines, on saccage les maisons des receveurs des contributions ou des partisans notoires du gouvernement, on arrache des façades les armoiries royales. À Verviers, un drapeau français est planté sur le perron par des inconnus. Cependant le travail cesse dans les usines et dans les mines. Déjà, dans les environs de Liège, des bandes de houilleurs sans ouvrage se répandent par la campagne et terrorisent les fermiers. À Namur, il faut protéger les magasins de blé pour les sauver du pillage. Le mouvement se propage

  1. Bartels, Les Flandres et la Révolution, p. 19, dit que Liège est le « centre des hommes les plus capables et les plus influents dans les divers partis ». On constate que la province de Liège est « la plus exaltée dans le libéralisme ». Terlinden, op. cit., t. II, p. 409.