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LE PRINCE D’ORANGE DEVANT BRUXELLES

des gages à l’insurrection. Il ne se doutait pas qu’au moment même où il exigeait qu’elle s’inclinât devant son pouvoir, elle obligeait ses fils à s’incliner devant elle.

Les princes, faisant diligence, étaient arrivés à Vilvorde, aux portes de Bruxelles, dès la soirée du 30 août. Ils disposaient de 6000 hommes de troupes et d’une vingtaine de canons, auxquels eût pu se joindre la garnison de Bruxelles qui continuait à bivouaquer autour du palais. Peut-être un coup de force leur eût-il livré la capitale. Mais, ils ne voulaient y entrer qu’en pacificateurs. Le prince d’Orange comptait sur le prestige personnel dont il y avait joui si longtemps. Son caractère glorieux lui faisait entrevoir l’occasion de jouer un beau rôle. Dès le lendemain, il convoquait à son quartier-général le duc d’Arenberg, le duc d’Ursel et le chef de la garde bourgeoise, le baron d’Hoogvorst. Il s’étonna de les voir arriver flanqués de plusieurs officiers de la garde et tous ceints d’écharpes aux couleurs brabançonnes. Il le prit tout d’abord de très haut. Puis, suivant son habitude, il céda et recouvra sa bonne grâce coutumière. Il affecta de n’attribuer les événements des derniers jours qu’à l’exubérance d’une « multitude égarée ». Il ferait le lendemain son entrée dans la ville, à la tête de ses soldats ; tout serait oublié ; il demandait seulement que l’on s’abstînt d’exhiber sur son passage des « insignes non légaux ». La députation rapporta cette réponse à l’hôtel de ville.

À peine connue, elle provoqua dans la population un sursaut de fureur. Permettre l’entrée des troupes, n’était-ce pas, en effet, renoncer du même coup à l’autonomie reconquise pour retomber sous le joug hollandais ? Ni la garde, ni les habitants ne balancèrent un moment. Plutôt que de céder aux exigences du prince, ils étaient prêts à la lutte. L’exemple de Paris montrait la conduite à suivre. Fiévreusement, les plus ardents commençaient à dépaver les rues et à élever des barricades. Sous la direction d’anciens soldats de Napoléon, ouvriers et bourgeois travaillaient d’un même cœur. À toutes les fenêtres se montrait le drapeau brabançon. La résolution de combattre était si évidente et si unanime, que le ministre d’Autriche, affolé, prenait la fuite avec son collègue d’Espagne.