Aller au contenu

Page:Pirenne – Histoire de Belgique – Tome 6.djvu/405

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
385
LE PRINCE D’ORANGE DEVANT BRUXELLES

Son supplice dura jusqu’à l’hôtel de ville, où il fut harangué par la Régence. Mais la foule devenait houleuse. Sur la place de Ruysbroeck, le prince se croyant en péril, éperonna tout à coup son cheval et, sautant par-dessus les barricades, courut bride abattue jusqu’au palais. On ne le poursuivit pas. Là, au milieu des troupes hollandaises, sa personne était en sûreté. Mais il n’en avait pas moins perdu la liberté de sa conduite. En entrant dans la ville il avait toléré l’insurrection et pactisé avec elle. Tout ce qu’il pouvait faire, et il allait l’essayer, c’était de mettre sa responsabilité à l’abri sous une équivoque.

À peine remis des émotions de la matinée, il convoquait autour de lui une commission composée du gouverneur de la province, du bourgmestre, de deux membres de la Régence sortis de leurs cachettes, du duc d’Arenberg, du duc d’Ursel, du général d’Aubremé et du baron d’Hoogvorst. Il ramenait ainsi au jour les autorités officielles qui, depuis le 25 août, s’étaient si prudemment éclipsées. Mais à côté d’elles, il plaçait le chef de la garde bourgeoise. La proclamation qu’il lança affectait, il est vrai, de ne considérer la garde que comme un auxiliaire bénévole du gouvernement. Il la remerciait au nom du roi d’avoir rétabli l’ordre et la faisait féliciter par le pauvre bourgmestre, du zèle infatigable qu’elle avait montré et d’avoir pris les armes « dans un but si louable ». Le voile était prudemment jeté sur tout le reste. Dans cette ville où le palais était le seul édifice qui n’arborât pas les couleurs brabançonnes, le prince parlait comme si chacun n’eût eu en vue que le service royal. Il donnait sa parole que les troupes n’entreraient pas à Bruxelles et promettait de prendre, d’accord avec la commission, « les mesures nécessaires pour ramener le calme et la confiance ».

Subrepticement, le régime légal allait être restauré et l’insurrection déjouée. Le peuple s’en aperçut tout de suite. Il n’avait pas dépossédé les autorités pour leur permettre, sous le couvert du prince d’Orange, de reprendre leurs fonctions, ni rompu avec le gouvernement pour se laisser ramener sous son pouvoir. Il ne se refusait pas à une entente, mais à condition d’y prendre part et de délibérer d’égal à égal. Il fallut