Aller au contenu

Page:Pirenne – Histoire de Belgique – Tome 6.djvu/410

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
390
LA SÉPARATION

à son sort. Le 7 septembre, Frédéric-Guillaume s’excusait de ne pouvoir lui venir en aide.

À défaut de la solution militaire, restait la solution diplomatique. La constitution des Pays-Bas, découlant du traité des huit articles, il appartenait aux Puissances de prendre la responsabilité de sa révision. Elles se refuseraient sans doute à y porter atteinte et le roi, fort de leur sentence et couvert par elles, n’aurait plus qu’à l’imposer aux Belges. Il suggéra dans cet espoir, au cabinet de Londres, de convoquer à La Haye une conférence des signataires du traité. Comme la France ne l’avait pas signé, elle serait exclue des délibérations, et c’était là le principal avantage de l’expédient. Car la complaisance du gouvernement français pour les Belges ne faisait pas de doute. En dépit de ses assurances officielles, il laissait franchir la frontière aux auxiliaires que Paris envoyait à Bruxelles et il ne répondait pas aux instances du cabinet de La Haye le pressant d’interdire à de Potter de rentrer en Belgique[1]. En attendant que l’Europe mît fin à ses perplexités, Guillaume se décida pourtant à une concession qui dut lui être cruelle. Le 3 septembre, il acceptait la démission de van Maanen. Ce dur sacrifice venait trop tard. Qu’importait encore van Maanen à un peuple qui déjà considérait comme accomplie sa séparation d’avec la Hollande ?

La surexcitation croissante de l’opinion ne permettait pas, en effet, d’attendre que ses désirs devinssent une réalité légale. Les modérés, qui avaient promis au prince d’Orange de demeurer dans l’expectative jusqu’à la décision des États-Généraux, étaient désormais débordés. On n’arrête pas une révolution et la révolution était commencée. Elle l’était puisque la volonté populaire s’arrogeait le droit de disposer de la nation et se substituait à la loi. L’enthousiasme national s’alliait à l’enthousiasme démocratique et le gouvernement apparaissait doublement odieux, comme l’instrument de l’étranger et comme celui de la réaction. On le méprisait trop pour le redouter. Personne ne se souciait plus des autorités, et la facilité

  1. Gedenkstukken 1830-1840, t. I, p. 22.