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Page:Pirenne – Histoire de Belgique – Tome 6.djvu/433

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INSURRECTION GÉNÉRALE DU PAYS

le pouvoir suprême, la nation, devant sa volonté, la loi… Peuple, ce que nous sommes, nous le sommes par vous, ce que nous ferons, nous le ferons pour vous ».

Ainsi, le Gouvernement provisoire qui s’était institué lui-même, obtenait, grâce à de Potter, la sanction du peuple. Sans doute, plus d’un de ses collègues s’effarouchait en secret des tendances démagogiques de son manifeste. Mais au milieu de l’effervescence héroïque du moment, ce qu’il avait dit était ce qu’il fallait dire. Au surplus, il exhortait les citoyens à se grouper autour du Gouvernement provisoire « qui est leur ouvrage », et il prêchait la continuation de la lutte à outrance, Son patriotisme rassurait ceux qu’inquiétaient les menées françaises et les fauteurs d’annexion. Ce n’est point par hasard que le 28 septembre, jour où de Potter entre effectivement en fonctions, le Gouvernement provisoire prend le titre de « Gouvernement provisoire de la Belgique ».

En se mettant ainsi à la tête de la nation, il ne faisait qu’obéir aux événements. Aux journées de Bruxelles avait répondu aussitôt l’insurrection de tout le pays. La volonté nationale s’affirmait avec tant d’énergie que nulle part elle n’eut à briser de résistances. Épouvantées par la violence et la soudaineté du mouvement, les autorités se laissaient déposséder sans protestations. Il était à peine besoin de heurter le régime : il s’effondrait de lui-même. Les troupes capitulaient devant des bandes de gardes civiques et d’ouvriers. Il suffisait de montrer de l’audace pour réussir. À Mons, le 29 septembre, le général Howen s’en laissait imposer par le jeune Chazal, lui remettait son épée et lui ouvrait la forteresse[1]. Des faits analogues se passaient à Tournai le 30, à Namur le 1er octobre, à Philippeville le 3, à Mariembourg le 4, à Charleroi le 5. À Gand, une partie des troupes quitte la ville le 2 octobre ; l’autre se tapit, en attendant d’en être chassée le 15, derrière les bastions de la citadelle. Des bandes de Liégeois et de Verviétois ne craignent pas d’attaquer en rase campagne, à

  1. Le récit quoique sans doute un peu emballé que Chazal a donné de cet épisode dans ses Mémoires (Buffin, op. cit., t. I, p. 131 et suiv.) est très caractéristique de l’état de découragement et de désarroi des autorités.